Economie

Peyrelevade : “Les marchés vont attaquer la France”

L’apparente accalmie sur les taux d’intérêt accordés à la France ne suffit pas à rassurer l’économiste. La situation pourrait empirer avant la fin de l’année.

Pour Jean Peyrelevade, ancien président du Crédit Lyonnais et auteur de France, état critique (Plon, 2011), c’est une quasi-certitude : si le programme économique de François Hollande est maintenu tel quel, notamment dans sa partie retour à la retraite à 60 ans, la France va être attaquée par les marchés financiers et pourrait voir ses taux d’intérêt s’envoler. L’économiste prévoit le déclenchement des hostilités d’ici à la fin de l’année, entre le discours de politique générale du premier ministre, après les législatives, et l’adoption de la loi de finances pour 2013, à l’automne. Entretien.

Vous aviez prédit une grave crise sur les marchés dans les jours qui suivraient l’élection de François Hollande s’il s’obstinait à vouloir appliquer son programme. Vous persistez ? Le problème français est aujourd’hui dominé et masqué par les problèmes grec et espagnol. Dans l’ordre des urgences, la question grecque arrive en tête. La première interrogation concerne l’intégrité de la zone euro ou le début de son découpage. Que le scénario optimiste ou pessimiste l’emporte, les problèmes individuels de chaque pays vont ensuite revenir sur le devant de la scène. Et de ce point de vue, ce qui s’est passé depuis l’élection de François Hollande ne modifie en rien mon jugement. Les premières esquisses de politique économique du gouvernement ne répondent pas à la gravité de la situation.

Si le scénario pessimiste l’emporte, que se passerait-il à votre avis ? Ce serait gravissime. J’entends bien des observateurs, ici ou là, dire : « La sortie de la Grèce de la zone euro serait un événement finalement surmontable. » Il faut distinguer les conséquences mécaniques, immédiates, chiffrées d’un défaut de la Grèce de ses conséquences psychologiques. Sur l’ensemble de la zone euro, l’addition serait probablement de l’ordre de 300 à 400 milliards d’euros. L’impact sur les banques serait limité puisqu’elles ont déjà été obligées de provisionner au moins 70 % de leurs créances sur la Grèce. Mais, parmi les conséquences mécaniques, il y en a une sur laquelle personne ne porte encore l’attention, qui concerne la Banque centrale européenne. De l’ordre de 100 à 150 milliards d’euros de dette grecque sont portés par la BCE. Donc, le scénario pessimiste se traduirait par la disparition d’une large partie des fonds propres de la BCE et par la nécessité immédiate des pays de la zone euro de la recapitaliser. C’est la pire des manières de poser la question du statut de la BCE. Les Allemands ne manqueront pas de demander pourquoi une banque centrale indépendante s’est mise de son propre chef dans cette situation.

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