À Carnac, la destruction de 39 menhirs pour construire un Mr. Bricolage ne passe pas
Source Ouest France
Présentés comme « l’un des ensembles de stèles les plus anciens de la commune de Carnac », les menhirs du chemin de Montauban n’existent plus, car un Mr Bricolage va voir le jour à la place, explique Ouest-France.
DAMIEN MEYER / AFP
À Carnac dans le Morbihan,on compte plus de 10 000 menhirs néolithiques comme ceux détruit pour construire un magasin de bricolage. (Photo d’illustration)
FRANCE – « Par Toutatis ! ». Dans le Morbihan, la polémique gonfle autour de la destruction d’un peu moins de quarante menhirs pour construire un magasin de bricolage. Et ce, malgré le fait que le site où se trouvaient les pierres dressées était référencé comme un lieu de patrimoine à préserver, figurant d’ailleurs sur la liste indicative de l’Unesco.
À Carnac, la colère d’associations donne de l’ampleur à la destruction en catimini de ces 39 menhirs, un des patrimoines archéologiques de la région. Dans un billet publié dès le vendredi 2 juin sur Sites & Monuments.org, un habitant de Carnac, Christian Obeltz s’est insurgé contre des « aménagements brutaux » réalisés durant l’hiver et le printemps 2023 « aux abords des alignements de menhirs de Carnac, dénaturant ce site mondialement connu ».
La commune et celle limitrophe de la Trinité-sur-mer comptent pas moins de 4000 menhirs.
Un diagnostic archéologique depuis 2014
Comme le relate Ouest-France, cet homme, chercheur sur les populations néolithiques et correspondant pour la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) évoque la mise en chantier d’un magasin Mr. Bricolage à Carnac, dont le permis de construire a été délivré par la mairie de la ville à la fin du mois d’août 2022 à la SAS Au marché des Druides.
Sauf que « c’est totalement illégal », s’insurge Christian Obeltz qui rappelle que « toute destruction d’un site archéologique est passible d’une lourde amende ». Il faut dire que la zone -bien que modeste- où est actuellement construit le magasin se trouve sur un site référencé depuis 2015 sur l’Atlas des patrimoines, une plateforme de la Drac permettant de recenser par cartographie les sites archéologiques de France.
Sur cette zone, on retrouve « sans doute l’un des ensembles de stèles les plus anciens de la commune de Carnac, à en juger par les datations carbone 14 obtenues en 2010 sur le site voisin de la ZA de Montauban », écrit dans son billet Chrisitian Obeltz, précisant qu’une des files de stèles était « exactement dans sa place d’origine depuis 7 000 ans ».
Une situation d’autant plus ubuesque qu’en décembre 2014 un précédent permis de construire avait été refusé par les services de l’État à cette même SAS Au marché des Druides. À l’époque, un diagnostic archéologique avait alors été mené et avait conclu que des travaux sur le site des menhirs auraient conduit à « affecter des éléments du patrimoine archéologique ».
Le maire et le gérant de la SAS plaident la bonne foi
Dans ce cas, pourquoi un nouveau permis de construire a-t-il été autorisé ? Selon Chrisitian Obeltz, la réponse est plutôt simple. Le chercheur estime qu’une candidature qui doit être déposée fin septembre pour inscrire « 397 mégalithes des rives de Carnac et du Morbihan, répartis sur 27 communes » au Patrimoine mondial de l’Unesco a fait drastiquement évoluer la situation.
Ainsi, « les élus de ce secteur, le département, le CMN se pressent ainsi de construire ou d’aménager à tout va car “après, avec l’Unesco, ce ne sera pas possible” ».
De son côté, le maire de la ville, Olivier Lepick, assure être de bonne foi : il n’était pas au courant du placement de la zone concernée sur l’Atlas des patrimoines. Auprès de Ouest-France, il évoque d’ailleurs un permis de construire « accordé par la mairie et les services de l’État » et estime avoir « respecté scrupuleusement la législation », alors qu’il est lui-même président de Paysages des mégalithes, l’association qui porte le dossier de candidature au patrimoine mondial de l’Unesco.
L’édile de Carnac cible plutôt une erreur dans la mise à jour du Plan local d’urbanisme (PLU) depuis les découvertes réalisées en 2015. Pour, Olivier Lepick, l’erreur serait donc due au fait que la Drac avait inscrit le lieu de découverte des menhirs en zone de prescription dans l’ancien Plan d’occupation des sols (POS). Mais pas dans le PLU.
Même son de cloche du côté de la SAS derrière la demande de permis de construire. Son gérant, Stéphane Doriel assure au journal local qu’« aucun service, aucun document ne nous a jamais avertis d’une prescription » et explique même que le précédent permis refusé en 2014 l’avait été en raison d’une problématique de zone humide. « Je ne suis pas archéologue, je ne connais pas les menhirs ; des murets, il y en existe partout. Si on avait su cela, on aurait fait autrement, évidemment ! ».