Vers un blocage institutionnel ?
« Dans cette période de crise, la France ne peut se payer le luxe d’un blocage institutionnel».
Aucun français n’a oublié cette phrase de Jean Marc Ayrault, alors fraîchement nommé Premier Ministre. Or, depuis l’avènement socialiste du 6 Mai 2012, les nombreuses déconfitures gouvernementales face aux récurrents retoquages parlementaires n’ont eu de cesse de renforcer, doucement mais sûrement, cette conjecture…
S’il ne fallait parler que de politiques économiques, les revers sont déjà fort nombreux : rejet sénatorial de la tarification progressive de l’énergie le 23 Octobre 2012, du projet de loi de financement de la sécurité sociale le Jeudi 15 Novembre, du projet de loi de finances rectificatives (PLFR) le Vendredi 15 Décembre, etc… Et leur nombre ne cesse de croître, les sénateurs écologistes ayant récemment rejoint leurs homologues communistes (CRC) lors du rejet du PLFR : à l’évidence, le Front Hollandiste s’effrite jour après jour et, à peine 6 mois après son élection, les projets gouvernementaux ne fédèrent absolument plus.
Comme disait Jean Claude Gaudin il y a quelques semaines : « Après la censure de la loi sur le logement par le Conseil constitutionnel [..], le rejet du texte énergie au Sénat […], le naufrage législatif du gouvernement se poursuit, se heurtant aux écueils de sa majorité profondément divisée. »
Aujourd’hui, ce profond rejet de la politique gouvernementale ne s’exprime qu’au Sénat, ce qui, selon le constitutionnaliste Guy Carcassonne, « n’est évidemment pas plaisant pour le gouvernement, mais, institutionnellement, cela n’a aucune gravité. Le gouvernement peut parfaitement se passer de l’accord du Sénat ». Il ne faudra plus que quelques mois pour que ce désaccord parlementaire ne se passe également à l’Assemblée Nationale : déjà, les députés Front de Gauche avaient voté contre l’amendement du crédit d’impôt pour les entreprises du PLFR, les députés EELV s’étant abstenus.
De nombreux politologues s’essayeront assurément dans la définition des raisons qui mènent vers cet inéluctable blocage institutionnel : l’incompétence, l’idéologie, ou peut-être les deux en même temps. Mais ces raisons, si pertinentes qu’elles puissent apparaître, ne doivent pas oblitérer les intrinsèques défaillances d’un système parlementaire qui, même tempéré par un exécutif fort au sein d’un système mixte (V°république), bloquera toujours le système politique. Comme l’écrivait Maurras : « Même corrigé par un prince, le parlementarisme apparaîtra toujours comme le régime de la compétition des partis. […] Les chefs du parlementarisme ne représenteront jamais que des partis, des coteries, des rivalités personnelles, des querelles de clan »
Jean-Marc Ayrault avait, pour une fois, raison : la France ne peut se payer le luxe d’un blocage institutionnel en cette période de crise systémique. Il n’y a qu’à pousser un peu plus avant la réflexion pour comprendre que ce blocage institutionnel reste intrinsèque au régime républicain, et d’en tirer les conclusions qui s’imposent…