« L’Avenir de l’Intelligence », de Charles Maurras
En 1905, Charles Maurras écrivait un livre qui ne devait lui apporter rien d’autre que « la calomnie des pires et l’inattention des meilleurs .» Pourtant cet opuscule appelé L’Avenir de l’Intelligence présente encore aujourd’hui bien des intérêts. Il est autant une synthèse subjective sur l’histoire littéraire de la France qu’une analyse de la nocivité des Lumières et de la Révolution, autant dénonciation du pouvoir de l’Argent que plaidoyer pour le nationalisme intégral. Pour en dégager le meilleur bénéfice, il faut en discerner les intérêts et les limites. Ainsi commencerai-je cet article par une synthèse du propos tenu avant d’exposer quelques réserves que je juge nécessaires. Cela fait, on pourra comprendre l’utilité qu’il reste aujourd’hui à l’œuvre et de facto l’imbécilité que constitue sa condamnation aveugle au nom d’une lecture téléologique et pathologique de l’Histoire.
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Point névralgique de toute analyse historique, la Révolution ouvre grand les portes sur lesquelles toquaient les encyclopédistes, les arrachant même en dépassant de loin les ambitions des auteurs en question. Cela porte deux conséquences liées entre elles et qui n’auront de cesse de s’approfondir au long du XIXème siècle. La première conséquence est la remise du pouvoir à « des marchands d’or, qui sont d’une autre chair que nous, c’est-à-dire d’une autre langue et d’une autre pensée. » Or, dans le grand jeu d’affrontement des Forces, les points pris par l’Argent sont débités à l’Intelligence sur le grand boulier de la société. Directement ou par le truchement du politique, le premier s’est imposé à la seconde. La liberté politique apparente de la presse est euthanasiée par son asservissement économique, la poésie devient une profession, c’est-à-dire un moyen d’enrichissement, donc un serviteur de l’Argent et un adversaire de l’Intelligence sincère qui devient un territoire occupé. Ne réalisant pas que ce fut par les Lettres que l’échafaud des auteurs s’érigea, l’idéal humaniste et universaliste continue de présider aux éditoriaux comme aux sonnets, et c’est là la seconde conséquence du XVIIIème siècle.
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