L’embargo russe qui secoue la Bretagne
A l’heure où l’économie s’est mondialisée, le conflit Ukrainien ne pouvait manquer de susciter des conséquences politiques et économiques, comme le montrent la mise en place de l’embargo de Janvier 2014 sur les viandes de porc et, plus récemment, l’embargo sur un grand nombre de produits alimentaires au début du mois d’Août. Eleveurs et agriculteurs bretons sont en première ligne de ce conflit économique et, malheureusement, ne peuvent qu’espérer quelque aide étatique pour survivre.
Dans un communiqué du 19 Août dernier, le Comité Régional Porcin de Bretagne (CRP) rappelle que « cet embargo de Janvier 2014 coûte 15 euros par porc aux éleveurs de porcs, soit un coût de 70.000 euros pour un éleveur moyen 1 ». Constat conforté par Paul Auffray, Président de la Fédération Nationale Porcine, qui estime le manque à gagner pour la filière à plus de 400 millions : «Nous estimons aujourd’hui que la perte sèche suite à l’embargo russe s’élève à 60.000 euros en moyenne par élevage, auxquels il faut ajouter la baisse des cours de 15 à 20 centimes le kilo de carcasse suite à une surproduction sur le marché européen». Et quand on connaît les difficultés de la filière porcine en Bretagne, soit par l’exemple médiatique du cas GAD – près d’un millier d’emplois sur la sellette – soit par les difficultés rencontrées par Cooperl Arc Atlantique ou par le groupe AIM (Abattoir Industriels de la Manche), on ne peut que redouter un prolongement de cette situation pour la filière bretonne…
Le problème, s’il reste éminemment économique, est également institutionnel : la dépendance internationale et la fragilité même de la filière grèvent littéralement tout espoir de relève porcine en Bretagne. Depuis des années, les acteurs de la filière dénoncent les coûts de production, les taxes et la pression fiscale de l’Etat, mais également les normes environnementales qui obligent les élevages à diminuer le nombre d’animaux. Pour les légumiers, les problématiques sont similaires, comme le rappellait en 2010 la Fédération des Producteurs de Légumes en France qui dénonçait « une politique des prix les plus bas qui met les agriculteurs en concurrence avec des productions qui ne respectent pas les mêmes normes sociales et environnementales, et qui ne serait pas répercuté sur les prix en magasin. »
Face à ce dumping fiscal et normatif, les éleveurs et agriculteurs sont bien seuls, incompris des énarques parisiens et autres bureaucrates à costumes. La réponse à ces dysfonctionnements institutionnels reste éminemment corporative : quand les acteurs économiques auront enfin les clés pour s’associer, pour s’unir au sein d’associations professionnelles pérennes, alors les filières pourront réellement aborder sereinement ces écueils économiques. Pas avant.
Comme l’écrivait Jacques Bainville :
« “Au libéralisme, il faut opposer l’organisation du travail. C’est une singulière aberration de croire que l’intelligence ni la volonté de l’homme ne doivent intervenir pour régler cette fille de leur intelligence et de leur volonté : l’industrie. Nous tâchons de diriger les forces naturelles et nous nous livrerions, pour respecter la concurrence, ou toute autre loi ou non loi, aux caprices des phénomènes économiques ? C’est de l’absurdité pure »
1Bretagne économique, Embargo russe : les éleveurs bretons veulent des compensations, 22 Août 2014