« Vivent les Rois ! »
Historien de l’art et écrivain prolifique, Patrick Weber s’est imposé comme l’un des meilleurs spécialistes des familles royales. Chroniqueur à la radio et à la télévision belges, il a souvent eu l’occasion d’accompagner le roi Albert II dans ses visites d’Etat. Dans son dernier ouvrage, les Souverains de la Belgique, de Jules César à Albert II, il défend une institution politique vieille comme le monde qui a su évoluer pour traverser le temps.
Diriez-vous, pour détourner le mot de Churchill, que la monarchie est le pire des régimes à l’exclusion de tous les autres ? J’en suis convaincu. J’ai coutume de dire qu’être roi, c’est exercer le plus vieux métier du monde. Aussi loin que l’on remonte dans le temps, l’on retombe toujours sur cette notion de chef symbolisé par la figure du monarque, quel qu’il soit par ailleurs. Quoi de commun entre Ramsès II, Louis XIV ou le nouveau roi Philippe de Belgique, rien, sinon la fonction royale ? L’un des avantages de la monarchie, c’est qu’elle offre un système de gouvernement très souple et très pragmatique, susceptible d’évoluer avec le temps. Sans cela, elle n’aurait pu perdurer. Or, il est dans sa nature de s’inscrire dans la longue durée, cela même qui fait défaut à la vie moderne dominée par l’immédiateté. Tout doit aller très vite. Les nouvelles technologies de l’information ont empiré cet état de fait. Quant au système démocratique tel qu’on le pratique, il transforme la politique en valse élective. Vous en avez fait l’expérience en France avec le quinquennat. Cela réduit la vie politique à n’être plus qu’une sorte de « Star Academy » permanente.
Vous définiriez-vous comme royaliste ?
Je me reconnais davantage dans un système monarchique que dans un système républicain, mais selon que je me trouve en Belgique ou en France, les choses sont différentes. Car c’est une chose de se définir comme royaliste en monarchie et royaliste en République. Je veux dire par là que mes opinions politiques n’interfèrent pas avec mon attachement à la monarchie. Les deux sont séparés. Le fait d’être royaliste n’entraîne pas telle ou telle opinion politique. Ce serait dévoyer l’essence même du royalisme que de penser ainsi. L’un des problèmes du royalisme en France, c’est d’avoir adopté une position politique. Etre royaliste, c’est d’abord et avant tout poser la nécessité d’une incarnation au sommet de l’Etat : une figure tout à la fois tutélaire, paternelle, fédératrice, placée au-dessus des partis dans une posture d’arbitre, sans pour autant qu’elle soit retirée dans une Olympe lointaine.
Est-ce qu’on touche avec le phénomène monarchique à une sorte d’invariant de l’âme, pour parler comme Jung, qui structurerait les mentalités collectives ? Ce qui expliquerait la permanence des monarchies ?
Je le crois. L’archétype royal est présent partout, dans l’univers des contes, dans l’imaginaire collectif, dans les jeux d’enfants. Les Français se rappellent-ils de ce qu’ils faisaient le jour de la mort de l’un de leurs hommes politiques ? Rien d’aussi sûr. Il en va différemment des Belges, du moins pour une très large majorité d’entre eux. A la mort du roi Baudoin, en 1993, la Belgique s’est sentie orpheline. Les médias n’ont pas perçu tout de suite l’intensité de l’émotion populaire. Il a fallu que les foules, Flamands et Wallons confondus, affluent spontanément devant le palais royal pour que les journalistes prennent la mesure de l’événement.