Discours du 20 Juin 1908

Le 20 juin 1908,

A la Salle Wagram

Messieurs,

Cette immense salle de l’avenue de Wagram est pour moi pleine de souvenirs. La Patrie Française y a donné plusieurs de ses réunions. Oh,  des réunions très brillantes et très chaudes. On criait : « Marchons! Marchons ! » Mais, en réalité, on ne savait pas très bien vers quoi il fallait marcher. Nous nous entendions sur des négations. Nous étions d’accord pour flétrir les crimes du gouvernement. Mais les uns rêvaient de République plébiscitaire, les autres de Consulat, d’autres de République parlementaire honnête (ô candeur !) ou d’ingénieuses réformes du système électoral. Bref, ils rêvaient d’améliorer le typhus ou la peste. Nous demeurions républicains, c’est-à-dire qu’en déplorant nos maux, nous persistions à en respecter la cause. Au fond, nous n’avions ni certitude, ni doctrine. Aujourd’hui, nous savons où nous allons; nous savons ce que nous voulons ! L’Action Française a une doctrine et des certitudes. Car, Messieurs, nous sommes certains que le suffrage universel, c’est l’absurde : que la République, c’est la sottise et le mal; qu’elle aboutit nécessairement, mécaniquement à la guerre civile en permanence, à l’exploitation du pays par un parti, au gouvernement des pires.

Mais, d’autre part, nous sommes certains que le meilleur régime, le plus naturel, le plus raisonnable, le plus conforme à l’observation des réalités, c’est celui où l’intérêt du pouvoir se confond avec l’intérêt public et où ce pouvoir est assuré et continu, et nous sommes certains que la royauté héréditaire remplit seule ces conditions. Et nous savons aussi que ce sont nos quarante rois qui ont fait la France; que, sans la Révolution, nous aurions des libertés communales et provinciales et une législation ouvrière, que la France serait encore la plus puissante nation d’Europe et qu’elle aurait conquis pacifiquement la frontière du Rhin.

Et, puisque le destin nous a infligé la première Révolution, nous sommes sûrs, en tout cas, que, si le roi fût resté en 1848, nous n’aurions pas créé de nos mains la force italienne et allemande, ni perdu l’Alsace et la Lorraine, et que, si le roi fût revenu en 1870, nous les aurions reconquises ou rachetées. Bref, nous sommes sûrs que la France a absolument besoin du Roi. Or, Messieurs, la certitude passionnée engendre l’action, j’entends l’action efficace. Car il y a des actions qui, si je puis dire, n’agissent guère, notamment quand elles se disent populaires et libérales. On ne se fait pas tuer pour le scrutin de liste ou pour de meilleures élections. Ces objets ne sont pas assez excitants pour conseiller de sérieux sacrifices. Mais la République renversée, mais la France restaurée par le roi, ah ! Voilà qui vaut la peine d’agir et voilà des images qui allument et entretiennent dans les coeurs comme des foyers d’amour et de dévouement.

Vous le savez, Messieurs du journal, de la Revue et de l’Institut, de l’Action Française et de la Revue Critique des Idées, vous le savez, Messieurs les présidents et les membres de nos Comités des provinces, vous le savez, Mesdemoiselles de l’Association des jeunes filles royalistes, et vous le savez, Messieurs les Camelots du Roi I Aussi, tous ensemble, avez-vous fait en une année plus qu’aucun groupe de Français depuis trente-neuf ans. Nos idées se propagent d’un mouvement irrésistible. Presque tout le peuple de Paris se détache du mensonge républicain.

L’Action Française (symptôme précieux) pénètre dans les lycées; et, comme à la fin du second Empire, les adolescents étaient pour la République, une grande partie de la jeunesse étudiante est aujourd’hui pour le Roi. Vous avez une doctrine, une discipline et une foi. Ce serait déjà beaucoup. Mais, en outre, vous êtes persuadés que de grands changements se font par des minorités énergiques et que la foule suit toujours. De plus, n’étant point des rêveurs, vous n’hésitez pas à mettre un peu de violences au service de la plus noble des causes, et, pour en avoir le droit, beaucoup d’entre vous, je le sais, ont fait le sacrifice de leur vie. Vous êtes de bons émeutiers, des insurgés pour le salut et la conservation de la France, des révolutionnaires de l’ordre. C’est un état d’âme enivrant. Et cela nous permet de tout espérer et de tout oser. Il y a quelques années, dans cette même salle, nos réunions étaient généralement troublées par des agents provocateurs, et l’on envoyait contre nous ce qu’on appelait alors les « apaches de gouvernement ». Pourtant, nous n’étions guère dangereux. Vous êtes beaucoup plus dangereux aujourd’hui ! Et personne ne bouge. Sur des points importants, à cause de la terreur qu’inspire au gouvernement la Cour d’assise, l’Action Française est au-dessus de la loi. Son plus vif désir est de rentrer dans la loi, pourvu que ce soit celle du Roi de France. Cela, sans doute, ne tardera pas. Vive le Roi !

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