Discours du 30 Novembre 1910

Séance d’ouverture de l’Institut d’Action Française (1910-1911)

Le 30 novembre 1910

Messieurs,

Chaque fois qu’il m’arrive de présider quelque réunion de l’Action Française, et que je prépare l’allocution que je devrai prononcer, je songe : « Allons, je vais donc encore leur dire la même chose I II le faut bien, puisque c’est toujours la même chose. » Eh bien ! Je m’aperçois, chaque fois, que ce n’est pas la même chose tant que cela; que la situation est en partie nouvelle et meilleure pour nous; que l’atmosphère est changée; que nous avons gagné du terrain depuis la réunion précédente; que les préjugés du public sont entamés; que nous étonnons ou scandalisons moins de personnes, — et qu’enfin je n’ai plus à recommencer par l’exposé de notre doctrine. Aujourd’hui, par exemple, je sens très bien que, même pour le public du dehors, je n’ai plus à démontrer la supériorité naturelle de la monarchie. Je n’ai plus à raconter comment j’ai cessé d’être républicain, je n’ai plus à prêcher (sinon pour le plaisir) la haine et le mépris de la République : car personne ne l’aime, excepté ceux qui vivent d’elle, et tout le monde, même ceux qui vivent d’elle, la méprisent. Aujourd’hui, cela ne parait plus du tout extraordinaire, d’être royaliste. Cela ne fait plus sourire. Cela passe même pour une opinion d’hommes avertis et d’esprit vraiment libre.

Presque tout le monde, et même les républicains, avoue que notre doctrine est solide et cohérente, que nous avons raison en théorie. On ne nous conteste plus que la possibilité de l’exécution. On dit que c’est un rêve, une chimère. Mais cela, personne n’en sait rien. On verra. En attendant, nos idées font tellement justes, tellement conformes au bon sens, à la nature, à l’observation des réalités; elles sont si évidemment l’expression des nécessités de la vie d’un peuple, le résumé des leçons de l’histoire, que nos adversaires nous en empruntent continuellement de vastes portions, comme notre Criton le fait remarquer presque tous les jours. Ils les déforment, ils en repoussent les conclusions logiques; mais ils en font état. Il est visible que M. Briand se nourrit de Maurras. Et, en outre, ces idées, nous les voyons sans cesse vérifiées et confirmées par les événements. En sorte que nous pouvons être prophètes à peu de frais. Pour n’en citer qu’un exemple récent, nous sommes si sûrs de la malfaisance essentielle du régime, et nous savons si bien que ses chefs sont des esclaves, que, dans le moment où les conservateurs souriaient, avec une admiration pudique, à M. Briand, nous prévoyions M. Lafferre. Au surplus, pour ne jamais se tromper avec ce régime, on n’a qu’à toujours prévoir le pire ou le plus honteux. L’Action Française est déjà une force considérable, parce que c’est une force ordonnée, disciplinée, et à la fois pensante et agissante. Elle sait ce qu’elle veut faire et rien ne l’en détournera. L’Action Française est un organisme complet. Elle a de quoi agir sur tous les Français et sur toutes les catégories de Français. Elle a son journal, si éloquent, si vivant — et j’ose dire si amusant, — d’une pensée si forte et si une, et d’une si magnifique verve; qui en même temps expose et défend la doctrine et juge et combat l’ennemi, et qui s’adresse à tout le monde. Pour les lecteurs cultivés, pour la Jeunesse des Écoles, pour les classes supérieures des Lycées, elle a son Institut qui, le premier, a dénoncé la barbarie sorbonnique; elle a la Revue de l’Action Française et la Revue Critique des Idées; elle a sa librairie : la Nouvelle Librairie Nationale. Elle a son association d’Étudiants; elle a son Association de Médecins. Pour la propagande parmi les femmes et dans les familles, elle a les « Dames de L’Action Française » et les « Jeunes Filles royalistes ».

Et enfin, Messieurs, elle a les Camelots du Roi ! Et les Camelots du Roi, c’est leur président d’honneur, le calme Maurice Pujo; c’est leur président mal assassiné, Maxime Real del Sarte; ce sont des centaines de jeunes gens qui ne craignent pas l’action violente et qui ont déjà fait pour la cause dix mille jours de prison; — et c’est leur nouveau vice-président, l’héroïque Lucien Lacour. Messieurs, tous, jeunes gens, hommes mûrs, vieillards même, femmes et jeunes filles, tous, de toute origine, de toute condition, de toute profession, nous sommes unis dans les mêmes convictions, les mêmes haines, les mêmes amours. Tous, je le crois, et souvent sans nous être vus, nous sommes réellement dévoués les uns aux autres, et nous sommes tous ensemble dévoués à la France et au Roi. Nous sommes déjà très nombreux : mais, en outre, chacune de nos unités en vaut plusieurs, car chacune d’elles est un foyer de pensée, de foi ou d’action. Enfin, l’abjection de nos ennemis travaille tous les jours pour nos idées. Espérons, espérons, d’une espérance réfléchie et active. A bas la République et vive le Roi!

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