Notes Politiques : contre le découragement

NOTES POLITIQUES

CONTRE LE « DÉCOURAGEMENT »

RÉPONSE A UNE LETTRE ANONYME

J’ai reçu la lettre suivante d’un généreux propagandiste anonyme. C’est un officier, comme on le verra. Je supprime donc toute indication pouvant faire soupçonner même la région de la France  où il tient garnison. Je tiens à lui répondre publiquement, d’abord pour lui accuser réception, ici,  de son billet de banque de 100 francs, et puis, le  remercier de cet encouragement, mais aussi et  surtout pour indiquer, par son exemple, et de  façon à ce que de moins optimistes que lui m’entendent, comment on peut réfuter autrement  qu’en paroles, autrement même que par écrit,  l’objection qu’il prévoit au paragraphe 7e de son  excellent projet de circulaire aux officiers à savoir, que la Monarchie est « irréalisable ».

Cette objection est celle des gens qui affectent  de croire « qu’il n’y a rien à faire », sans doute parce qu’ils ne veulent ou ne peuvent rien faire,  ni même rien concevoir. Nous ferons, un de ces  matins, la psychologie de ces découragés. En  attendant, lisons cette lettre d’un Français qui,  non seulement conçoit, mais réalise, immédiatement, autant qu’il est en lui, « ce qu’il y a à faire »

« 10 juin 1906.

Monsieur,

Adhérent sans réserve aux idées et au programme de  l’Action française, me permettrez-vous de suggérer à  votre expérience un moyen de propagande qui, dans  certains milieux, donnerait, je crois, de bons résultats  particulièrement dans le milieu d’officiers dont je fais  partie ?

Si je ne le voyais journellement, je ne croirais pas 1°) A quel point, pour un grand nombre d’officiers,  être monarchiste, c’est avoir l’esprit imbu de préjugés ridicules, ou c’est espérer d’une autre organisation politique la satisfaction d’intérêts égoïstes.

2°) Que l’adhésion plus ou moins complète, donnée ces dernières années à la Monarchie par des républicains désabusés, est ignorée de la plupart des officiers royalistes à fortiori des autres.

3°) Que ces mêmes officiers ne soupçonnent pas l’existence de l’Action française.

Je sens trop bien la force des arguments de l’Action française pour ne pas croire à l’efficacité d’une propagande qui ferait connaître son existence et donnerait la curiosité de la lire.

N’arriveriez-vous pas à ce résultat en envoyant à tous les officiers (et peut-être à d’autres catégories de personnes) une ou deux pages d’imprimerie où vous tiendriez à peu près le langage suivant:

1°) Les officiers n’ont PAS LE DROIT AUJOURD’HUI DE SE désintéresser DE LA POLITIQUE, ne serait-ce que pour savoir quelle attitude prendre le jour d’un bouleversement politique dont on ne peut nier la possibilité.

2°) Nos gouvernants actuels ruinent et déshonorent la France.

3°) Toutes les tentatives d’amélioration de la République ont échoué jusqu’ici, et rien ne permet de prévoir le succès pour celles que l’on pourrait encore tenter.

N’ ‘est-ce pas parce que la situation politique actuelle est  la conséquence logique des principes démocratiques et révolutionnaires, base du régime?

4°) Ces principes ont d’ailleurs réuni contre eux toutes les fortes têtes du XIX° siècle, catholiques ou athées De Maistre, Bonald, Balzac, Auguste Comte, Le Play, Fustel de Coulanges, Renan, Taine. Ils n’ont séduit que des poètes Lamartine, Victor Hugo, Michelet. Les quelques intelligences d’élite qui réprouvent la révolution n’auraient-elles pas raison contre la foule des demi-savants qui en ont fait leur religion?

5°) C’est la conclusion à laquelle ont abouti les nationalistes qui ont fondé l’Action française il y a six ans. Ils étaient républicains pour la plupart, mais entendaient chercher la solution de notre crise politique en ne s’inspirant que de l’intérêt national. Au bout de quelques années de tâtonnements, ils ont formulé que le salut public exigeait le rétablissement de la Monarchie héréditaire, traditionnelle, antiparlementaire et décentralisée, que personnifie le duc d’Orléans.

6°) Ces néo-royalistes, comme les royalistes de tradition qui ont donné leur adhésion à l’Action française, ne demandent pas à être crus sur parole, mais ils ont le droit de dire alors que tous les remèdes empiriques ont pitoyablement échoué, il n’est pas permis à un vrai patriote de repousser, sans l’étudier, la solution de la crise française qui seule peut se réclamer des vrais penseurs du xixe siècle, et qui, malgré les difficultés, si grandes en apparence, de sa mise en pratique, groupe aujourd’hui plus d’intelligences d’élite que tout autre des remèdes proposés. »

7°) Quand à l’OBJECTION a priori la MONARCHIE SERAIT UNE TRÈS BONNE CHOSE, MAIS ELLE EST IRRÉALISABLE, l’Action Française prétend la réfuter comme les autres.

8°) Ajouter une bibliographie indiquant d’une part les ouvrages où sont condensées les doctrines de l’Action française la Revue l’Action française, les brochures éditées par elle ou par la Gazette de France, d’autre part les oeuvres des « maîtres » de l’Action française. Donner toutes les indications de prix, de librairie, de condition d’abonnement, etc., pouvant vaincre l’inertie première du lecteur.

En même temps, dans la limite où vos ressources le permettraient, ne pourriez-vous pas envoyer aux pensions ou cercles des officiers de l’armée de terre, et aux carrés d’officiers de marine quelques brochures: l’Enquête sur la Monarchie, de l’Anarchie à la Monarchie, des numéros spécimens de l’Action française, etc… J’ai la conviction que vous feriez ainsi des conversions parmi les officiers sérieux.

Quoi que vous pensiez des procédés que je vous indique, je tiens à contribuer pour ma petite part à la propagande de nos idées, en vous adressant la petite somme ci-jointe que vous emploierez pour le mieux.

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments les plus distingués et les plus dévoués.

»

Saviez-vous qu’il est des malheureux qui, sous prétexte qu’ils n’ont rien « fait »,au vieux jeu honteux du scrutin, se persuadent, et, bien plus voudraient persuader au Prince que la Nation est morte, parce que l’Armée, qui, en somme, est le cœur, le dernier organe jusqu’ici manifestement intact, sensible et vigoureux, commencerait, elle aussi, à s’engourdir?

Eh bien c’est de l’Armée, c’est du cœur de la nation, de ce cœur que l’on croit engourdi, que votre lettre, mon lieutenant, nous donne des nouvelles. Elles sont excellentes, ces nouvelles, mais non pas seulement en ce qu’elles nous certifient que ce cœur bat toujours. (Cela, nous le savions bien, puisque tant de vos camarades, les Spiral, les Langavant, les Boisfleury, cet hiver encore, se sont levés, se sont dressés contre la Maçonnerie, rejoignant ainsi les Cuignet, les Roget, les Mercier,  qui, depuis sept ans, sont debout, inébranlables, contre le Traître.) Ce qu’il y a de neuf, de précieux, d’utile à retenir, dans votre lettre, c’est l’explication, très visiblement exacte, des causes réelles de l’apparente indifférence et impassibilité politique du corps d’officiers, depuis quelques années que la République l’insulte et s’efforce de le détruire. Il y a deux ans, on s’est demandé comment il se faisait que, à la lecture des fiches, d’innombrables officiers « réactionnaires », ignoblement dénoncés, n’aient pas rêvé de pronunciamiento. Rien n’était plus simple, pourtant, et plus significatif de l’excellente et solide trempe de ces intelligences et de ces caractères de Français de bonne race, et dont l’éducation fut sérieuse.

La colère, même la plus généreuse, la plus jeune, n’aboutira point jamais dans ces tempéraments équilibrés que produit une vieille, et délicate, et parfaite discipline,-(l’éducation catholique) la colère n’aboutira jamais à un divorce de la raison et du cœur, à cette folie de la « révolte pour la révolte », sans un but défini, et sans moyens, bien conçus, bien arrêtés, pour atteindre ce but. « Marcher », c’est-à-dire soulever contre les autorités de la République, lorsque l’on ne songe plus, lorsque l’on n’a jamais songé même à la restauration de la Monarchie, c’est-à- dire d’un ordre nouveau et supérieur à « l’ordre » régnant, et qui établirait immédiatement d’autres autorités, marcher ainsi à l’aveugle, ce serait, aux yeux de la plupart de ces jeunes hommes sérieux qui sortent de Saint-Cyr, de Polytechnique, de Saumur, ou qui reviennent du Tonkin, du Soudan, où l’on ne « blague » pas un instant, où l’on ne peut pas blaguer avec l’autorité et la discipline, condition indispensable de la force, et de la dignité, et de l’existence même d’une armée civilisée, ce serait, dis-je, pure folie, et folie d’anarchistes.

Si donc les officiers n’ont pas bougé, vous nous expliquez pourquoi. Ils ne savent pas qu’on songe, en France, à la monarchie; que d’autres élites, civiles, voisines de l’élite militaire qu’ils représentent, commencent à se tourner vers le Roi. Il n’y a donc qu’une chose à faire en ce moment le  leur apprendre, les mettre au courant du mouvement royaliste, réellement, énergiquement royaliste, qui s’organise. C’est ce que vous voulez que nous fassions, mon lieutenant. C’est à quoi vous voulez nous aider. Ce sera fait. En attendant, merci de votre obole. Et à bientôt, j’espère.

Restent toujours, il est vrai, les « découragés » dont vous voudriez, mon lieutenant, que l’on réfutât les « arguments ». Mais cette réfutation, elle se fait toute seule, et tous les jours, par des actes, des démarches comme la vôtre, dont l’éloquence est si persuasive, et dont la fécondité serait incalculable, pour peu qu’elles soient publiées. Cette volonté de faire comprendre et de faire voir la vérité politique, la voie de salut national, dès qu’on l’a vue et comprise soi-même cette volonté d’un prosélytisme d’autant plus facile qu’il trouve dans toutes les têtes et dans tous les cœurs vraiment français un terrain préparé par des siècles de tradition, cette volonté, cette intelligence, il ne faut rien de plus. Or, elles existent partout, mais on ne sait pas qu’elles existent. Chaque Français ignore que son voisin est un royaliste d’hier et de demain.

S’il ne tient qu’à nous, chaque Français, bientôt, le saura.

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