Travail, religion, famille : ces repères sociaux délaissés…
Les Français ne croient plus en rien, s’étonne-t-on parfois. Le plus surprenant, pourtant, serait d’apprendre que les Français croient encore à quelque chose, après trente années de démolition systématique de tous leurs grands repères.
Balayée la religion, cet « opium du peuple » qui maintient dans l’ignorance – quand ce n’est pas dans la haine de l’autre – et qui n’est qu’un avorton de notre besoin infantile de paradis et d’absolu.
Oubliée la famille, fondée jusqu’à présent sur le mariage, incapable de résister à la prolongation de l’espérance de vie qu’autorisent aujourd’hui les miracles de la science. Une bien piètre perte, au demeurant, nous assure-t-on : ce n’était qu’une institution sociale récente – à peine deux siècles – et nécessairement provisoire.
Où trouver refuge ?
Le travail ? Certainement pas : l’ère post-industrielle permet, enfin, d’être affranchi de cette aliénation-là, qui ne vaut que pour le tiers-monde. Et s’il s’agit de faire fortune, cet objectif misérable n’est à la portée que des escrocs ou des banquiers.
La société ? Une société apaisée par un esprit d’ouverture, un relativisme positif qui donnerait à chacun sa place dans le dialogue et le respect d’autrui ? Pas davantage. Car la société s’organise autour de ses élites – politiciens et penseurs. Or de ce côté là, point de salut. Les politiciens nous ont habitué à trahir leur parole, et à reprendre en chœur, pour se faire élire, des couplets de promesses qu’ils n’ont cure d’appliquer dés qu’ils sont au pouvoir. Quant aux penseurs… L’effondrement de leurs grandes théories les a rendus prudents. Quand ils s’aventurent encore dans la réflexion, c’est pour nous expliquer que tout n’est que vue de l’esprit, que nous sommes dirigés par les égarements de notre inconscient, ou par des forces biologiques et sociales qui nous sont étrangères, et qu’il faut – surtout – n’être dupe de rien.
C’est fait : nous ne sommes plus dupes de rien, pour notre grande fierté. Mais – comme on n’échappe pas au besoin de rêver et de croire – notre foi d’autrefois ne se muerait-elle pas en fascination pour des histrions de passage, comme, par exemple, ces vedettes préfabriquées dont nous abreuve la télévision, ou certains sportifs en vue ? Mieux : ne serions-nous pas sur le point de ne plus croire qu’en nous-mêmes ?