Alain Sanders à L’AF : « Je suis toujours maurrassien et royaliste ».
L’AF 2000 – Avez-vous des souvenirs à nous faire partager sur l’époque où vous avez collaboré à Aspects de la France ?
Alain Sanders :
Oh, il y en aurait de très nombreux… Alors un, peut-être, parce qu’il aura ce mérite d’évoquer deux de nos grands disparus : Pierre Pujo et Pierre Chaumeil. En ce temps-là (je vous parle d’un temps que même Line Renaud n’a pas pu connaître), le journal se fabriquait dans une imprimerie de Saint-Denis, avec typos (l’aristocratie des métiers manuels), morasses, élaboration du monstre (prémaquette grossière), épreuves et tutti quanti. Toutes choses que l’informatique nous a fait perdre. Bref, le mardi matin, me semble-t-il, Pierre Chaumeil et moi nous retrouvions dans les odeurs d’encre fraîche, dans le cassetin (le bureau des correcteurs, ainsi appelé parce que généralement exigu : le cassetin était le petit compartiment dans la casse où étaient rangés les signes de caractères). Et nous bossions jusqu’à midi, midi et demi, Pierre Pujo nous rejoignait un peu plus tard pour superviser et tirer le bon à signer. Avec Pierre Chaumeil, le déjeuner était sacré. Nous déjeunions parfois dans un petit rade de Saint-Denis mais souvent, nous remontions à Paris pour giberner dans un resto près de la place Clichy où Chaumeil avait ses habitudes. Nous faisions bombance et assurions force libations… Et nous revenions à l’imprimerie où Pujo nous attendait. Lui, il avait frugalement mangé un sandwich et bu une bière sur le zinc. “ Je ne comprends pas, disait-il gentiment, pourquoi il vous faut tant de temps pour déjeuner, moi en un quart d’heure… ” Chaumeil grommelait une vague réponse et commençait une petite sieste. Jamais le journal n’est sorti en retard (nous finissions vers 18 heures trente, 19 heures). Et je ne vous raconte pas les explications de gravures quand Chaumeil présentait nos notes de restos à Pujo…
Durant cette période, vous militez aussi dans les rangs de la Restauration nationale… La période en question se situe dans les années 65-70, avec Mai-68, bien sûr. Là, encore, il faudrait un livre pour le dire. Nous avons réussi quelques coups fumants et il n’y avait guère de jours où, camelots du roi nouvelle manière mais respectueux de nos grands aînés (le regretté Pierre Juhel, par exemple), sans que nous n’ayons à nous fritter avec les bolchos. C’était l’époque des Bernard Lugan, Hilaire de Crémiers, Patrice Bertin, Patrice de Plunkett, Titou Juhel, les Frères Augonnet, Gérard Leclerc, etc. Nous ne tenions pas de blogs, nous… Et nous appliquions le vieil adage qui veut que la rue appartient à celui qui y descend. Nous avons pris des coups. Nous en avons distribué vingt fois plus. […]