Quand le droit s’évapore
Tout conducteur qui s’enlise dans quelque ornière boueuse sait d’expérience que son premier réflexe, accélérer pour se déhaler au plus vite, est le pire : il s’enfonce de plus belle et finit par caler.
Ainsi la pauvre Europe patine-t-elle à mesure que l’Union européenne s’enferre dans la supranationalité, et accélère, accélération nerveuse dont témoigne ce « mécanisme européen de stabilité » qui, passant comme on dit « à la vitesse supérieure » entend soumettre le budget des Etats au contrôle européen, traité bouclé à la va vite et appliqué illico presto, peut-être dès les prochaines semaines.
Raisonnablement, il faudrait au préalable un référendum, d’abord pour des raisons de droit, ensuite pour des raisons plus profondément politiques – qui pourraient être, justement, une panne durable du Droit en lui même.
Raisons juridiques : d’abord, l’application de ce « mécanisme » viole plus violemment encore que les précédents traités, le principe de souveraineté, pourtant proclamé par toutes nos Constitutions : soumettre à une autorité étrangère le contrôle ultime du budget national exige au moins un référendum, lequel devrait porter, au point où nous en sommes, sur le maintien ou non du principe de souveraineté dans la Constitution… Ensuite, ledit mécanisme est d’autant plus difficile à admettre qu’il viole la séparation des pouvoirs, autre principe constitutionnel. Nombre de juristes le soulignent partout en Europe: le contrôle budgétaire de Bruxelles bafoue la séparation des pouvoirs et, au delà, le principe parlementaire, l’un des plus vieux fondements de nos institutions -dans l’histoire des démocraties, la première fonction des Parlements fut justement le contrôle du budget. Enfin, après leurs déboires de 2005, il est de plus en plus évident que les oligarchies entendent enterrer le référendum – aucun depuis plus de sept ans ; or, il est lui aussi l’une des clefs de voûte de la Constitution de la Ve République -s’il existe toujours une Constitution, et une République…