Jean-Marc Ayrault : Le planqué de Matignon
Neuf mois qu’il est premier ministre… pour rien ! Absent de tous les grands débats, court-circuité par ses ministres, qui multiplient les “couacs”, il n’est pas parvenu à s’imposer comme chef de la majorité. Au point que se pose, déjà, la question de son remplacement.
Salle des Quatre-Colonnes de l’Assemblée, le 20 février. Un à un les députés socialistes se défilent lorsqu’il s’agit de parler de Jean-Marc Ayrault. Comme s’il était évident qu’aborder le sujet revenait forcément à évoquer les doutes qu’il inspire. À l’issue de… huit tentatives infructueuses (« pas le temps », « pas le sujet »…), l’un d’eux accepte de répondre. Il nous fait promettre de respecter son anonymat et nous donne rendez-vous, le lendemain, dans un café du boulevard Saint-Germain éloigné du Palais-Bourbon. « Hollande a nommé Ayrault pour trois raisons, commence-t-il : parce qu’il voulait absolument éviter Aubry, qu’il souhaitait un premier ministre dévoué qui ne rêve pas de s’installer à l’Élysée, et parce qu’il désirait un numéro deux qui ne soit pas susceptible de lui faire de l’ombre. » Un temps, puis : « Le problème, c’est qu’Ayrault ne lui sert à rien. Pis encore : c’est une nomination que les Français mettent à son passif : les gens se disent : “Hollande n’a même pas été capable de choisir un bon premier ministre !” »
Porte-parole de François Fillon durant la primaire UMP, le député Jérôme Chartier conteste les commentaires faisant un parallèle entre l’actuel premier ministre et son prédécesseur. « Sarkozy et Fillon se sont cherchés pendant un an, dit-il. En choisissant Fillon, qui ne faisait pas partie de son premier cercle, Sarkozy avait nommé un allié politique, alors qu’Ayrault est un vieux complice de Hollande : il est le plus hollandais des hollandais. Le chef de l’État a fait le choix d’un premier ministre de confort mais cela est préjudiciable à sa majorité. Un premier ministre doit être une valeur ajoutée — ce qu’a été Fillon, alors qu’Ayrault est un serviteur. »
Mais l’erreur de casting, encore aggravée par l’affaiblissement de la fonction de premier ministre avec le quinquennat, n’explique pas tout. « Ayrault est totalement illisible, constate le député UMP Hervé Mariton. Rigueur le matin, dépense l’après-midi : il représente l’incapacité du gouvernement à incarner un discours économique clair. Lui-même est un social-démocrate convenable, mais la réalité du pouvoir dans la majorité se situe à sa gauche. On le voit bien avec les réformes sociétales, ou encore la suppression de la journée de carence pour les fonctionnaires : c’est l’aile dogmatique du PS qui impose sa loi. Ayrault tâche de faire le moins mal possible, mais il dégage une impression de résignation, presque de tristesse. »