Politique

Métropolisation. « Des effets terribles »

Bretagne historique à 5 départementsMétropole, pôle métropolitain… Avoir, ou non, la taille critique pour avoir droit, ou pas, à cette reconnaissance lourde de conséquences. Le géographe Yves Lebahy est, lui, hostile à ce modèle dont il craint les conséquences…


Le concept de « métropole » et de « pôles métropolitains » a pas mal évolué au fil du temps…
Il est apparu dans les années 70 et répondait à une volonté d’aménagement et d’équilibre du territoire. Aujourd’hui, il n’exprime plus qu’une vision économique du monde, au détriment des équilibres sociaux, politiques et environnementaux, et une recherche d’économies d’échelle qui ne peut se traduire que par une polarisation des territoires, concentrant les hommes et les activités.Pourquoi critiquez-vous ce phénomène ?
Il entraîne ce que certains appellent une « déterritorialisation » : un bousculement des héritages historiques sur lesquels se sont fondés les territoires, comme la Bretagne. Le projet métropolitain choisi par Nantes et Rennes, par exemple, provoque des remous dans les communautés de communes environnantes. D’autant qu’il intervient alors que l’État, depuis dix ans, n’a plus de politique d’aménagement du territoire et se contente d’une mise en concurrence entre territoires, sous forme de bonus financiers.

Cette évolution ne correspond-elle pas à un besoin, à l’ère de la mondialisation des échanges et de la concurrence accrue entre les différents pays ?
La volonté d’atteindre le chiffre-clé du million d’habitants qui permettrait d’exister au plan mondial est discutable. D’abord, parce qu’on compte plus de 1.500 agglomérations dans le monde au-delà de ce chiffre, dont certaines à 30 millions d’habitants. Le million, à lui seul, n’assure qu’une visibilité aléatoire. Ensuite parce qu’une ville peut être bien identifiée, très en deçà de ce chiffre lorsqu’elle est reconnue dans un secteur particulier. Pensez à Lannion, à Quimper…

Vous parlez même de « péril »…
À l’inverse du discours dominant, nous sommes un certain nombre à décrire les effets terribles de la métropolisation. Elle conduit à marginaliser les populations ouvrières et les classes moyennes, en créant des couronnes urbaines pavillonnaires parfois à 40 ou 50 km des centres urbains, et à abandonner des pans entiers de l’économie productive. On provoque ainsi une ségrégation sociale qui joue un grand rôle dans le vote FN, par exemple. Il suffit de se pencher sur le cas du Languedoc-Roussillon qui, autour de Montpellier, fut une région pionnière en matière de métropolisation dès les années 70 et où l’on trouve aujourd’hui des zones entières qui comptent 70 ou 80 % de chômeurs ! Avec ce phénomène, la ville n’est plus lieu d’intégration mais d’exclusion.

Que proposez-vous ?
Il faut inventer de nouveaux modèles de solidarités entre les villes elles-mêmes et entre les villes et les campagnes, qui répondent aux réels besoins de notre société. Ce qui correspond d’ailleurs à la base de la construction de notre tissu urbain breton.

Et pensez-vous avoir une chance d’être entendu par les décideurs politiques ?
Non… Il y a une sorte de consensus gauche-droite sur le sujet que le géographe et citoyen que je suis regrette. Mais ce n’est pas une raison pour que je cesse d’être une petite voix qui résiste.

 

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