Suite au Cercle d’Etudes (5/5) : Jules Lemaître, du patriote au royaliste
Jules François Elie Lemaître naquit le 27 avril 1853 en la belle ville de Vennecy dans le Loiret. Fils d’instituteur, Jules Lemaître passa les premières années de sa vie à Tavers, près de Beaugency. A 10 ans, ses parents décident de l’envoyer au petit séminaire d’Orléans, alors dirigé par le Père Dupanloup. Quelques années plus tard, il se retrouvera au petit séminaire de Notre Dame des Champs à Paris, peu de temps avant que la guerre n’éclate.
Sur la guerre de 1870, Jules Lemaître, infirmier à Beaugency, écrira ces quelques vers :
On se battait non loin de mon hameau natal.
Et, pendant ce temps-là… (j’étais trop jeune alors
Pour marcher à mon rang dans la sanglante fête
Et pour revendiquer ma part de la défaite),
Sous le toit paternel, je rêvais tristement.
Peu de temps après la guerre, en 1872, il entre à l’Ecole Normale Supérieure et obtiendra également l’agrégation en lettres en 1875. Il est nommé en 1875 au lycée du Havre où il enseignera la rhétorique. Il commence aussi à donner des conférences sur différents domaines tels que la musique ou Pascal.
Après cinq ans d’enseignements passés au Havre, Jules Lemaître est nommé en 1880 à l’Ecole Supérieure de lettres d’Alger où il ne restera que peu de temps. En 1884, ayant déménagé sur Paris, il y retrouve d’anciens camarades de Normale. Puis il obtient une tribune hebdomadaire dans la Revue bleue, où il inaugure sa série d’études et de portraits littéraires (qui seront regroupés dans les huit volumes des Contemporains; ensuite il écrira dans le Journal des Débats et dans le Temps, devenant rapidement le critique à la mode (neuf volumes d’Impressions de théâtre reprouperont les articles parus entre 1853 et 1914). Tous les salons le sollicitent. Il fréquente les cafés littéraires où il rencontre Anatole France, Barrès, Moréas…
Il devient alors l’amant de la « comtesse de Loynes », qui prendra dès lors sa carrière en main. C’est elle qui le poussa à l’Académie (où il entra en 1896, à 43 ans) et qui en fit un polémiste de droite et ainsi présider la Ligue de la Patrie Française. C’est elle aussi qui l’a poussé vers une carrière de dramaturge : sa première pièce, Révoltée (1889) est autobiographique ; puis viennent Le Député Leveau (1890), Le Mariage blanc (1891), Le Pardon (1895), La Bonne Hélène (1896), La Massière (1905), Le Mariage de Télémaque (1910)…
Il rejoint par la suite l’Action Française lors de l’année 1908 et, pendant quelques années, se fera le chantre privilégié de la pensée royaliste, notamment par ses incroyables discours en l’honneur du Roi.
Gourmand trop gâté par Mme de Loynes, Jules Lemaître fut peu à peu atteint d’artériosclérose. Cela le rendit même incapable de lire et, en été 1914, il dut aller se reposer à la campagne, à Tavers. Quelques semaines plus tard, il s’alitait, paralysé, presque aveugle. Il sentait la guerre menacer : «La guerre ! la guerre ! ah ! l’atroce chose, l’abominable chose ! Je l’ai vue en 1870. J’étais brancardier. Je soulevais des lambeaux de chair. Je n’ai pas encore chassé ces visions d’horreur, et voilà que je les reverrai encore ! Je ne veux pas être tranquille, si mon pays est en danger… Ah ! si seulement je pouvais donner ma vie pour la France ! Ce serait, du moins, une fin logique, car au fond, je n’ai vraiment aimé qu’elle.»
Il rendit son âme à Dieu le 5 Août 1914 à Tavers, où il est actuellement inhumé.