Patrimoine

Quand l’art et l’histoire justifient le percement du rocher du Mont-Saint-Michel

Impossible d’ignorer les travaux en cours pour rétablir le caractère maritime du Mont-Saint-Michel. Les médias en ont largement parlé. Impossible non plus d’ignorer que le projet suscite nombre de critiques. Conséquence du prochain retour à l’insularité, un futur ouvrage tout récemment dévoilé est en passe de créer une nouvelle polémique.

Le rocher du Mont-Saint-Michel sera en effet percé par un chemin piétonnier de 1,40 m de large, 2,10 m de haut et une vingtaine de mètres de long, situé derrière l’office du tourisme. Joliment intitulé cheminement par les rochers, ce sentier constituera une issue de secours pour le public en cas de fortes marées et rejoindra la plate-forme insubmersible de 8 m réservée aux pompiers. Le tunnel en légère courbe sera creusé de la mi-octobre à la mi-décembre. La roche sera sciée à l’aide d’un câble diamanté introduit dans deux percements parallèles.

L’annonce de travaux de percement du rocher a provoqué plusieurs réactions indignées. L’arbitraire de la décision, le manque de concertation et le non examen de solutions alternatives ont été soulignés. Les titres de la presse locale ainsi que ceux de plusieurs blogs sur le patrimoine ne laissent guère de doute sur le peu de sympathie que l’entreprise suscite: Le conseil municipal vote la saignée du rocher, La Merveille défigurée, L’État creuse son tunnel au Mont-Saint-Michel, Ils vont oser faire un trou dans le Mont-Saint-Michel, etc.

Les associations de défense du patrimoine et plusieurs Montois ont critiqué l’atteinte au rocher, partie intégrante du monument historique. Il semble que certaines associations aient l’intention d’informer et d’alerter l’Unesco afin d’arrêter le projet. Selon eux, le rocher, fondation du Mont-Saint-Michel, est partie intégrante du monument classé et y percer un chemin pourrait motiver son déclassement.

Quelques contestations invoquent aussi « l’intégrité physique du monument naturel et spirituel » ou prétendent que « le rocher est sacré » et que personne n’a le droit de le percer.

L’argumentation devient alors curieusement métaphysique en distinguant un rocher, œuvre naturelle (voire divine), intangible, surmonté d’aménagements humains seuls autorisés. Même si ce type de réaction demeure marginale, on observe pourtant que le projet de percement dans le rocher du Mont, irréversible par nature, est en quelque sorte perçu comme “ontologiquement” différent d’une simple construction ou même du vaste projet de “désensablement” dont il fait partie.

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