Manif pour tous : la flamme des « veilleurs » entretient l’espoir
Ce soir, Sabine, 51 ans, et Yves, 50 ans, auraient pu dîner tranquillement ou aller au cinéma. Mais pour la troisième fois en dix jours, ils sont là, place du Théâtre à Lille, devant son Opéra, assis, dans le froid. Ce mardi soir, le couple de Verlinghem, petite commune du Nord, veut dire toute son amertume et son refus de la «loi Taubira» qui autorise le mariage des couples de même sexe. Ils ont rejoint le mouvement des «veilleurs», né à Paris et qui a essaimé en province.
«On rentre en résistance, comme de Gaulle le 18 juin 1940», ose Yves. Le combat est-il aussi important? Pour lui, oui. Il est 21 h 30 et le groupe de convaincus grossit. Yves et Sabine font figure d’aînés: les «veilleurs» sont essentiellement composés de jeunes, à l’image de son coordinateur à Lille, Vianney, 21 ans. Étudiant en communication, il raconte: «En voyant ce qui se passait à Paris, je me suis dit, pourquoi pas le lancer à Lille? J’ai proposé à des amis de se réunir, j’ai eu beaucoup de réactions positives. À 19 h 30, j’ai créé une page Facebook, tweeté, envoyé des SMS. À 21 h 30, on était 150, et 300 le lendemain.»
Après les manifs, la réflexion
Une semaine plus tard, ils sont une bonne centaine. Assis, entourés de bougies, les «veilleurs» lisent des textes à voix haute. «Martin Luther King, Gandhi…», cite Vianney. Quelques chants rythment le rassemblement qui dure deux heures. Leur «hymne», L’Espérance, est un chant scout. La veillée pourrait d’ailleurs se dérouler autour d’un feu de camp, elle a lieu en pleine ville. Certains passants s’arrêtent pour discuter. Quelques insultes fusent. «Ne soyez pas déconcentrés par les gens qui vous apostrophent, qui vous insultent», réagit un des intervenants.
«La loi est en train de passer mais tout est encore à jouer, estime Vianney. On veut montrer que dans le Nord, on continue à se mobiliser.» Le Nord n’est d’ailleurs pas le seul département: à Paris, Lyon ou Marseille notamment, on veille aussi. «Ce mouvement déstabilise par la paix, le calme, le pacifisme», commente-t-il encore. Après les manifs, la réflexion. Pour Mathilde, étudiante en droit de 20 ans, c’est cohérent: «Une fois la loi passée, c’est un bon moyen pour réfléchir en profondeur.» Le mariage, elle y a été sensibilisée dans ses cours de droit de la famille. Elle est aussi catholique pratiquante. «C’est quand même lié, le mariage est un grand fondement dans notre foi», admet-elle, avant de préciser que d’autres confessions sont présentes chez les «veilleurs».