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D’une bataille sémantique aux batailles politiques

Violences policières 26 MaiS’il ne fallait retenir qu’une seule leçon des récentes manifestations contre la Loi Taubira ouvrant le mariage aux couples homosexuels, ce ne serait pas tant l’ampleur de la mobilisation populaire mais la virulence de la répression politique qu’elle a suscitée. Plus violente qu’avec de véritables délinquants, plus zélée qu’avec des criminels avérés, la force d’Etat s’est appliquée avec une intransigeance jamais vue sur des familles françaises pourtant pacifiques, coupables du seul crime de ne pas penser comme le gouvernement.

Cette violence physique n’a eu d’égale que la pression psychologique exercée par les instances gouvernantes : déclarations fleuves sur le bienfondé de la loi, mépris et exécrations affichées face aux mobilisations successives, diabolisation extrême de l’opposition jusqu’aux menaces implicites du Ministre Valls avant la dernière manifestation du mois de mai. Allant même jusqu’à verbaliser le port du T-Shirt de la « Manif pour tous », les autorités posèrent ainsi les bases d’un véritable délit d’opinion, l’opposition à ce qui n’était encore qu’un projet de loi n’étant dès lors plus possible, sous peine d’amende ou d’arrestations.

Ce mépris constant pour l’opposition a récemment trouvé une nouvelle expression dans la bataille sémantique engagée par le président Hollande lors de la cérémonie d’anniversaire de la création du CNR (Comité National de la Résistance). Fustigeant les opposants à la Loi Taubira, celui-ci rappela que « la Résistance, c’était par rapport au nazisme, à l’Occupation. La collaboration, c’étaient des Français qui étaient avec l’occupant. Et le fascisme, le nazisme, la dictature, c’est une époque qui heureusement est révolue. Nul n’a le droit d’utiliser ces mots pour défendre des idées – si on peut appeler cela des idées – aujourd’hui. »

Quitte à jouer à cette bataille sémantique, reprenons la définition de « dictature » dans le Dictionnaire de la Politique (Hatier) : « La dictature se définit comme un régime arbitraire et coercitif, incompatible avec la liberté politique, le gouvernement constitutionnel et le principe de l’égalité devant la loi. » Or, il suffit de relire cet excellent article de Louis Anders pour constater que, sur bien des points, la France s’achemine progressivement vers un diktat implicite, mais réel, d’une pensée unique : « Entrave à la libre circulation des personnes, surveillance présumée de lignes téléphoniques, répressions parfois violentes de rassemblements pacifiques… Les ordres donnés à la police par le gouvernement prennent de grandes libertés avec la Constitution. »

Le vocabulaire de « Résistance », utilisé par le Printemps Français, s’en trouve donc légitimé. Il s’agit bien d’actes de résistance, posés pour défendre le droit d’avoir une opinion autre que celle du parti gouvernant, le droit au libre arbitre et à une véritable morale, autre que celle dictée par le gouvernement. Ainsi, la récente bataille sémantique soulève-t-elle la véritable nature des batailles politiques qui s’annoncent : non plus contre une simple loi mais contre une idéologie. 

Source et suite de l’article sur Politique Magazine

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