Comment peut-on être sonneur ?
A l’occasion de sa dernière causerie de Chateauneuf, Yann le Meur (1) a répondu à cette question. Et un peu plus encore…
Comme le Montesquieu des lettres persanes, nous chercherons, au-delà de l’apparence, à trouver quelque profondeur insoupçonnée dans la démarche socioculturelle du sonneur, cet inconnu, ce personnage singulier.
Nous tenterons d’éclairer l’esprit de cette dame qui, s’étant vue, selon la légende, engagée dans une discussion avec un de nos éminents confrères, s’exclama : « Ah, ah, Monsieur est sonneur ? C’est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être sonneur ? »
LE SONNEUR EXERCE UN ART SAUVAGE
Le biniou, ça surprend ! C’est curieux. C’est particulier.
Avouons que le mode d’expression des sonneurs de couple présente, aux oreilles comme aux yeux de notre prochain, un caractère insolite, sauvage, dont nous tirons fierté, orgueil et gloire.
Les codes imperceptibles ou inintelligibles des cultures traditionnelles paysannes défient la capacité d’entendement des citadins. Nous sommes sans doute trop habitués, comme le disait Claude Lévi-Strauss, à « évacuer nos sensations pour manipuler les concepts ».
Une culture populaire orale est faite de normes impalpables, non écrites et non dictées. Ces normes ancestrales sont le plus souvent inconscientes. On ne peut les transmettre par simples explications. Ce sont des codes ressentis et non explicités. Mais ces normes implicites offrent un cadre structurant au sein duquel nous voyageons. C’est une boussole qui permet aux créateurs de naviguer pour renouveler les arts et traditions populaires tout en préservant leurs identifiants.
Que constatons-nous ? Que l’identité créatrice bretonne est d’autant mieux acceptée qu’elle s’éloigne de la bretonnitude pour épouser les canons de l’uniforme, que les dominants appellent souvent l’« universel ». Les majorités se convainquent en effet qu’il leur revient de définir le goût des minorités et le sens de leur évolution.