RGPP et l’enterrement de la diminution des dépenses publiques ?
A la demande du Premier ministre, plusieurs inspections générales ont dressé un bilan de la Revue Générale des Politiques Publiques lancée par Nicolas Sarkozy en 2007 pour réduire les dépenses de l’Etat. En soi, la démarche est plutôt intéressante, puisque cette fameuse RGPP est souvent apparue comme un recyclage sans imagination de méthodes éculées dans le secteur privé, apportées par de grands cabinets de conseil en mal d’amortissement de leurs frais fixes.
Du rapport, rendu mercredi, qui ressort de cette mission, on n’extraira nul élément de nature à remettre en cause l’image de servilité lâche qui colle à la haute fonction publique depuis une dizaine d’années, tant le texte ressemble à une œuvre sur commande destinée à dire du mal du gouvernement précédent, souvent au prix de contradictions peu glorieuses pour les rédacteurs. C’est l’époque qui veut cela : l’ère des grands serviteurs de l’Etat est morte. Elle a cédé la place au règne des thuriféraires, des capitaines de tranchées, obsédés par leur carrière et la normalité de leurs idées, hantés par la peur de prendre le moindre risque vis-à-vis d’un conformisme malheureusement délétère pour nos finances publiques.
Premier indice de cette lâcheté : la lettre de mission du Premier ministre date du 6 juillet. Le rapport est remis fin septembre : moins de 3 mois de travail, dont deux mois d’été où l’activité tourne au ralenti. Certes, dix inspecteurs ont collaboré au rapport. Mais enfin, il compte quand même 352 pages ! Il a donné lieu à 170 auditions. Tout cela en moins de 90 jours, dont peut-être 60 jours de travail véritablement opérationnel, il s’agit d’un vrai de tour de force. Décidément, les services de l’Etat sont devenus très efficaces, ou bien le rapport était à peu près rédigé d’avance.
Ce qui plaide pour cette seconde option, c’est le fond de l’argumentation, assez étonnant, où les rédacteurs expliquent que la RGPP était une démarche intéressante, mais malheureusement mal conduite, par un président de la République trop autoritaire, qui a mis tout le monde mal à l’aise. On lira par exemple page 11 : « Son mode de gouvernance plaçait en première ligne la présidence de la République alors que l’éventuelle redéfinition des objectifs, des prestations et des bénéficiaires d’une politique sont des démarches risquées exigeant plusieurs niveaux de négociation. » Tant qu’ils y étaient, les rédacteurs du rapport auraient peut-être dû citer les propositions du candidat François Hollande comme le nouveau dogme applicable dans les services ministériels.
Si l’on se souvient que la devise de l’ENA est « Servir sans s’asservir », on mesure combien les objectifs de cette école sont aujourd’hui dévoyés par des fonctionnaires prêts à tout pour satisfaire le pouvoir du moment.
Les premières pages du rapport ressemblent d’ailleurs à une espèce d’exorcisme général par lequel la fonction publique a voulu venger des années de frustration où elle fut contrainte à la réforme. Certaines phrases sont révélatrices de cet état d’esprit.
Par exemple, « La place importante donnée aux consultants dans la conception des réformes, a été vécue comme un signe de défiance vis-à-vis de l’administration » (page 13), montre bien que, dans les 5 ans qui viennent, la fonction publique est bien décidée à ne plus se laisser donner des conseils par le secteur privé. « Des mesures imposées sans dialogue avec les administrations et leurs agents » (page 14) annonce une grande phase de concertation préalable à tout changement futur.
Mais le plus illustratif tient au : « Une démarche conduite à un rythme trop rapide » (page 16). Ici tout est dit. Car si les rédacteurs reconnaissent que la RGPP a permis d’économiser 12 milliards d’euros en 5 ans, ils lui reprochent d’être allé trop vite, trop brutalement, et sans concertation.