L’abbatage des truies bretonnes se délocalise en Allemagne
Au moment où les abattoirs de l’Ouest manquent d’animaux, les usines allemandes, elles, tournent à plein régime. Le géant Tonnies Fleish profite d’une abondante main-d’œuvre d’Europe de l’Est sous-payée pour saturer ses usines spécialisées dans l’abattage des coches (truies réformées). 2 000 truies françaises, dont un millier de bretonnes, prennent ainsi la route, chaque semaine, vers l’Allemagne. Conséquence : il manque 500 coches par semaine à l’usine Holvia Porc de Briec-de-l’Odet dans le Finistère (une centaine de salariés). La filiale de Terrena (1) se retrouve aujourd’hui en grande difficulté. Une procédure d’alerte a été lancée auprès du tribunal de commerce.
Flou artistique
Les ventes de coches échappent en grande partie au marché du porc breton où le nombre d’animaux mis aux enchères est faible. Des groupements comme Aveltis et Syproporcs travaillent directement avec l’Allemagne. Beaucoup d’éleveurs ne passent même pas par leurs groupements et traitent avec des marchands d’animaux belges ou hollandais. « L’éleveur peut espérer une plus-value de 25 € à 30 € par coche en vendant en Allemagne, explique Guillaume Roué, le président d’Inaporc, l’interprofession porcine. Les industriels d’outre-Rhin n’ont pas de mal à payer le cochon plus cher car la main-d’œuvre roumaine leur coûte moins de 7 € de l’heure. » Cette viande alimente les marchés de l’Est mais aussi… des salaisonniers français.
« Prélude d’une délocalisation »
Emmanuel Commault, le directeur général de la Cooperl, voit dans ce mouvement de coches vers l’outre-Rhin « le prélude d’une délocalisation de notre filière porcine tout entière si rien ne bouge ». Il dédouane les éleveurs qui vendent les cochons. « Si notre production se portait bien, ils n’auraient pas besoin de faire ces opérations, dit-il. Outre les distorsions de concurrence avec l’Allemagne, on paie aussi l’irresponsabilité de lobbies environnementalistes et des politiques qui empêchent le développement de la filière, seule façon de maintenir les emplois. » Franck Delava, le patron d’Holvia Porc à Briec, cherche une solution pour sauver son entreprise et les autres abattoirs spécialisés. « Il faut cadenasser notre filière en créant une filière coches avec le logo VPF (viande de porc française), dit-il. Notre viande sert à fabriquer des saucissons et des rillettes qui sont des produits de terroir ».