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L’État de droit mal défendu

Une institution qui obéit de plus en plus à une logique d’opporunité politique, au lieu de remplir son rôle en défendant les principes.

Philippe NemoLe Conseil constitutionnel est-il un défenseur efficace de l’État de droit ? On voudrait le croire. Cependant, une lecture attentive de ses décisions récentes conduit à tempérer cet optimisme. Par exemple, le 9 août 2012, les sages admettent que la « contribution exceptionnelle » imposée aux redevables de l’ISF était, sur le fond, inconstitutionnelle, étant donné l’absence d’un dispositif de plafonnement. Ils ne la déclarent pas moins conforme à la Constitution au motif qu’elle est instaurée « pour la seule année 2012 ». Raisonnement étrange ! La Constitution est une loi de validité permanente, non intermittente. De quel droit la suspendre, même pour une brève période ? Les situations d’exception sont prévues dans la Constitution même : état de siège, article 16… Il convient de s’y tenir.

De même, dans leur décision du 29 décembre, les sages écrivent que la rétroactivité des lois peut être conforme à la Constitution « quand elle est justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ». On ne sait où ils ont trouvé un tel “principe”, de nature plus absolutiste que républicaine.

En effet, la rétroactivité est tyrannique par essence. Car il n’est de libertés civiques que là où règne une loi publique et connue à l’avance, qui permet au citoyen de savoir avec certitude ce qu’il doit faire et ne pas faire pour mener librement sa vie. S’il y a rétroactivité de la loi, fût-ce d’un seul jour, il y aura eu un temps où, par définition, le citoyen ne pouvait connaître la règle en vigueur et était livré à l’arbitraire. Dans ces deux cas, donc, les sages semblent avoir raisonné comme un exécutif décidant selon l’opportunité, plutôt que comme une haute juridiction faisant respecter des principes.

Même flottement sur la question des taux d’imposition. Le Conseil cite à chaque page l’article 13 de la Déclaration de 1789 disant que l’impôt doit être « également réparti entre les citoyens en raison de leurs facultés ». De cette formule, on peut certes déduire que les riches paieront plus d’impôts que les pauvres, on peut même, peut-être, tirer un principe de proportionnalité. Mais on ne peut assurément pas justifier par elle un principe de progressivité qui est inégalitaire et arbitraire par définition, et qui a conduit les législateurs français récents (avant même l’actuelle majorité socialiste) à faire jouer à l’impôt un rôle de transfert des richesses du secteur privé au secteur public beaucoup plus qu’un rôle de contribution aux charges publiques d’intérêt réellement général. Avec l’ISF qui fait diminuer les patrimoines comme une peau de chagrin ou avec l’imposition énorme des revenus des capitaux, on n’est manifestement plus dans le cadre de la Déclaration de 1789, qui supposait une imposition limitée au paiement des charges réelles de l’État et telle que tout citoyen de bonne volonté pût y consentir.

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