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Ces lois qui se font et se défont…

Voici un article tiré du dernier numéro de Prospectives Royalistes de l’Ouest qui revient particulièrement dans l’actualité à l’occasion de l’étude de mercredi dernier sur le dépôt d’un nouveau projet de loi sur le harcèlement sexuel, soit près de 2 mois après l’abrogation de l’ancien…

Pour Rousseau, la législation « représente l’ensemble législatif permettant au corps politique de se conserver » (Chapitre VI du Livre II du Contrat Social). Ainsi, la loi doit être la manifestation de la volonté de « tout le peuple sur tout le peuple », expression de cette « volonté générale » éclairée par un Législateur quasi-divin qui garantit la justice de la législation. Or, les nombreuses censures effectuées par le Conseil Constitutionnel depuis sa création laissent entrevoir la nature chimérique et illusoire des idées du Contrat Social.

S’il semble évident que les lois doivent être contrôlées, notamment pour leur adéquation avec la Constitution,  leur censure rétroactive et les arrêts de condamnation cassés sont bien plus sujets à controverses, compte-tenu des dramatiques conséquences que cela induit.

Il faut tout d’abord se rendre compte que l’inflation normative qui a aujourd’hui cours en France (10000 lois et 127000 décrets en 2008) empêche littéralement tout contrôle continu des lois, tant sur leur constitutionnalité que sur leur bon sens : leur promulgation repose donc sur le bon sens des élus parlementaires qui, en les avalisant, apportent leur caution au texte. Le bicamérisme parlementaire apporte ainsi en théorie une certaine garantie contre l’excès législatif mais il est aisé de prouver qu’en pratique, les erreurs foisonnent littéralement, pour le plus grand malheur des français.

Quelques exemples de censure des « Sages » viennent immédiatement à l’esprit : sur la négation du Génocide Arménien, sur le « lien fort » pour le fichier biométrique des « Honnêtes gens » cher à Claude Guéant, sur les soins sans consentement en psychiatrie, sur une partie du fourre-tout Loppsi 2. Mais l’actualité nous a montré que certaines censures peuvent avoir être autrement plus dramatiques. Ainsi, dans la décision 2012240 datée du 4 mai, le Conseil Constitutionnel a décidé de censurer l’article 222-33 du Code du Travail sur la notion d’harcèlement sexuel car « ce texte permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis ». En clair, trop flou pour être appliquée, cette loi de 2002 ne respecte pas le principe de légalité des délits et des peines.

Les conséquences de cette censure sont dramatiques : toutes les poursuites en cours perdent leur base légale et ont donc de grandes chances de finir en non-lieu ou relaxe. De plus, toutes les condamnations inscrites au casier judiciaire devront être effacées. Même s’il subsiste d’autres articles du code du travail condamnant ce type de délit (Article 1155-2 notamment), la censure du Conseil Constitutionnel sur l’article 222-33 les rendra évidemment caduques et laissera donc béant ce « trou dans la raquette » législatif.

S’il n’est pas ici question de revenir sur la pertinence de la censure d’une loi de 1992, il s’agit néanmoins de souligner l’impertinence législative de ce système qui, même après un double examen des textes de lois, peut commettre d’irréparables bévues. Plombé par une incroyable inflation normative et vicié par le système partisan, le système législatif français reste donc très loin de l’utopique législation décrite par Rousseau et doit interpeller les français sur la pertinence même d’un système qui, à court et à long terme, tend à remplacer le bon sens du pays réel par une loi issu du pays légal.

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