Histoire

L’ancrage monarchiste en Loire-Inférieure

Ancrage monarchiste en Loire InférieurNous republions ici un article daté de 2007 qui garde toute sa pertinence historique :

L’historien David Bensoussan a analysé le maintien d’une droite monarchiste en Loire-Inférieure, entre 1918 et 1939.
David Bensoussan, vous avez travaillé sur la persistance, en Loire-Inférieure, entre les deux guerres, d’une droite monarchiste. Comment l’expliquez-vous ?La Loire-Inférieure se singularise en effet par le maintien de la domination politique de l’aristocratie rurale et monarchiste à l’échelle du département tout entier, à l’exception des villes de Nantes et Saint-Nazaire. Cette droite peut s’appuyer sur des possessions foncières encore considérables, et sur son enracinement familial. Elle bénéficie du soutien de la grande majorité du clergé qui communie avec elle dans une hostilité radicale aux valeurs républicaines et laïques. C’est particulièrement vrai sous l’épiscopat de Mgr Le Fer de la Motte. Du moins avant la condamnation de l’Action française par Pie XI. Elle peut aussi compter sur le soutien d’une bonne partie des populations rurales. Les campagnes apprécient sa défense des intérêts de l’Église et son rôle très actif dans la promotion des écoles libres.

Quelles sont vos sources ?

Les archives du marquis de La Ferronnays, président du conseil général dans les années trente, maire de Saint-Mars-la-Jaille, ont été d’un apport précieux. Elles permettent de voir l’enjeu que représente la presse catholique d’arrondissement. Et, plus largement encore, celui du syndicalisme agricole. Cette droite monarchiste s’est en effet investie sur ce terrain. En dépit de certaines divergences, cela lui permet de contrôler la Chambre d’agriculture.

Et cette prédominance ne s’observe pas ailleurs en Bretagne ?

S’il existe d’autres régions bretonnes où la prédominance des droites conservatrices, derrière l’aristocratie rurale et le clergé, est aussi prononcée (partie orientale du Morbihan par exemple), le phénomène reste plus circonscrit géographiquement. De fait, la Loire-Inférieure est le seul département breton où le conseil général reste à droite sur toute la période (et avec une très forte majorité). Et ce malgré les engagements républicains voire socialistes des agglomérations nantaise et nazairienne.

L’influence de la démocratie chrétienne est donc moins forte dans le département ?

Les droites conservatrices ne subissent pas la concurrence, dans le monde catholique, du courant démocrate-chrétien peu implanté dans le département. Le quotidien L’Ouest-Éclair, qui a beaucoup oeuvré pour la réconciliation des catholiques avec la République, n’est ainsi, à l’époque, que faiblement diffusé dans le département.

Comment le parti monarchiste s’est-il érodé ?

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les monarchistes détiennent la présidence du conseil général. Ils font élire de nombreux députés et sénateurs. Cette particularité est, il faut le souligner, proprement exceptionnelle en France. Ils doivent cependant composer avec une droite républicaine qui prend conscience que les nostalgies monarchistes ne sont plus d’actualité. L’émergence du Parti social français (PSF) du colonel de La Rocque, particulièrement fort dans le département, à partir de 1937 fragilise leur domination. L’échec du régime de Vichy dans lequel ils se sont pour la plupart reconnus, marque la fin de leur domination politique, du moins à cette échelle. Mais certains représentants des grandes familles aristocratiques réussiront à se faire élire, par la suite, comme maire, conseiller général, voire député ou sénateur, à l’exemple d’Olivier de Sesmaisons ou de Michel de Pontbriand. Et c’est un petit-neveu du marquis de La Ferronnays, le sénateur Charles-Henri de Cossé-Brissac, qui a présidé de 1976 à 1994, le conseil général. Bien évidemment, sur d’autres bases politiques.

Recueilli par Daniel MORVAN.

« Combats pour une Bretagne catholique et rurale, les droites bretonnes dans l’entre-deux-guerres », David Bensoussan, Fayard, 658 p, 32 €.

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