Petit rappel utile sur les croisades…
Petit rappel utile sur la réalité historique des croisades par Jean Sévillia :
Les travaux des historiens montrent que les motivations des premiers croisés, contrairement à une idée répandue, étaient d’abord religieuses et spirituelles. La part politique et trop humaine viendra ensuite.
Jusqu’aux années 1960, les croisades étaient décrites, dans les manuels d’histoire de l’école laïque, comme une aventure héroïque qui avait fait rayonner la présence française au Moyen-Orient. L’école catholique, de son côté, vantait sans honte la geste des chevaliers chrétiens, exaltant Godefroy de Bouillon ou le roi Saint Louis. Quel contraste avec le discours d’aujourd’hui ! Sur fond de multiculturalisme et de mauvaise conscience européenne, notre époque tend à dépeindre les croisades comme une agression perpétrée par des Occidentaux violents et cupides à l’encontre d’un islam tolérant et raffiné…
Si la vision d’autrefois, simplificatrice à l’excès, entretenait un mythe qui ne rendait pas compte de la pleine réalité, la repentance actuelle, érigée en système, ne constitue pas un meilleur guide historique. Pour être comprises, les croisades, mouvement qui s’est étalé sur plusieurs siècles et qui a recouvert des épisodes contradictoires, doivent être abordées sans idées préconçues. C’est pourquoi la réédition de deux ouvrages classiques de Jean Richard est particulièrement bienvenue. Ancien professeur à l’université de Dijon, membre de l’Institut, ce médiéviste reste un de nos meilleurs spécialistes des croisades, dans la mesure où ses travaux conservent leur validité scientifique, tout en étant dégagés des préjugés idéologiques qui pèsent de nos jours sur le sujet. Que les lecteurs se précipitent donc sur L’Esprit de la croisade (1), précieuse synthèse où l’auteur, s’appuyant sur les grands textes médiévaux et les témoignages chrétiens ou musulmans, montre comment les acteurs des croisades ont perçu et vécu l’événement, ou encore sur sa remarquable Histoire des croisades (2), reprise dans la collection Pluriel.
Rétablir l’accès aux Lieux saints
Le 27 novembre 1095, à Clermont, le pape Urbain II lance un appel à la chrétienté. En Terre sainte, explique-t-il, de nombreux chrétiens « ont été réduits en esclavage », les Turcs détruisant leurs églises. Et le souverain pontife d’inciter les évêques et abbés présents à exhorter « chevaliers ou piétons, riches ou pauvres, de se rendre au secours des chrétiens et de repousser ce peuple néfaste . » A ceux qui répondront à son appel, le pape promet « la rémission de leurs péchés ». Que s’était-il passé ?
Au VIIe siècle, les cavaliers d’Allah se sont emparés de Jérusalem et de territoires qui étaient le berceau du christianisme. Les chrétiens de la région, réduits au statut de dhimmis, ont vu leur condition évoluer dans un sens tantôt défavorable, tantôt favorable, au gré des circonstances et des souverains en place. Les califes abbassides, au IXe siècle, étaient plutôt tolérants, concédant à Charlemagne la tutelle morale sur les Lieux saints. Le pèlerinage en Terre sainte, au même moment, était devenu une pratique prisée par les Européens. En 1078, toutefois, les Turcs seldjoukides ont occupé Jérusalem, rendant les pèlerinages dangereux, au point de les interrompre. En 1073, face à la pression turque, l’empereur byzantin Michel VII avait appelé au secours le pape Grégoire VII, demande renouvelée par Alexis Ier Comnène auprès d’Urbain II en 1095.
. |