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Les nouveaux ayatollahs

“Arrêtez d’emm… les Français !”, s’écriait Georges Pompidou voilà plus de quarante ans. Depuis, le mal n’a cessé de s’aggraver. Chaque jour, des ligues de vertu, plus nombreuses et plus procédurières que jamais, rivalisent d’ingéniosité pour nous rendre la vie impossible. De toutes parts, des voix s’élèvent pour dire : “Assez !”

Plus il y a d’interdits, professait Lao-tseu, plus le peuple s’appauvrit. S’il avait vécu aujourd’hui et non voici vingt-cinq siècles, le malheureux serait accablé. On croule sous la réglementation. En 2008, la France cumulait 10 500 lois et 127 000 décrets, à quoi s’ajoutent 17 000 textes communautaires, le tout aboutissant à une véritable  » logorrhée législative et réglementaire  » , selon les mots même du conseil d’Etat.

À bien y réfléchir, notre vie ressemble à une addition d’interdits, au point, qui sait, de provoquer une addiction à l’interdit. En résumé, tout ce qui n’est pas prohibé est obligatoire, et inversement. Cela fait songer au mot de Churchill : « En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En URSS, tout est interdit, même ce qui est permis.  »

Dresser la liste noire établie par les ayatollahs du  » politiquement correct  » et de son prolongement, l’“hygiéniquement correct” revient à faire un inventaire à la Prévert où le père Ubu donnerait la réplique à Franz Kafka.

Quelques exemples ? Depuis le 1er juillet, les automobilistes, déjà copieusement mis à l’amende, doivent être équipés d’un éthylotest (en attendant un mouchard automatique dans chaque véhicule – ce qui ne manquera pas d’arriver). Policiers et gendarmes, du moins ceux qui ne sont pas requis par des tâches aussi urgentes que les contrôles routiers, sont sommés de ne plus tutoyer les “jeunes” qui s’adressent pourtant à eux dans un langage aussi fleuri que celui du footballeur Samir Nasri. Interdit également, la fessée, d’autant qu’elle augmenterait les risques de troubles mentaux selon une étude canadienne qui vient de paraître dans la très sérieuse revue Pediatrics. Voilà de quoi conforter la trentaine de pays qui l’ont déjà bannie. Et que dire des gastronomes californiens privés de foie gras à la suite d’une loi en interdisant la vente promulguée le 1er juillet sous la pression des lobbies “proanimaux” qui comparent le gavage de l’animal aux tortures pratiquées à Guantánamo ou à l’excision !

Tout récemment, l’écrivain et académicien Jean-Christophe Rufin a suscité la polémique pour avoir déclaré dans l’Amateur de cigare que « la lutte contre le tabagisme vire au terrorisme », alors que, médecin de formation, il déplorait « seulement cette tendance de la société à tout pénaliser. Après le tabac, qu’est-ce que cela va être ? L’alcool ? Le sucre ? »

Autre domaine où l’on n’a pas chômé ces derniers temps : la censure culturelle. Dans la postface à la réédition de son chef-d’oeuvre, le Camp des saints, paru en 1973, Jean Raspail a relevé 87 passages qui le conduiraient aujourd’hui au tribunal si les lois Pleven, Gayssot, Lellouche et Perben avaient un effet rétroactif. La maison Fayard a, de son côté, annoncé qu’elle cessait la publication des livres de Renaud Camus, écrivain de haut vol, à la suite d’une tribune qu’il a signée dans le Monde appelant à voter Marine Le Pen.

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