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[Les Textes de Référence] L’Avenir de l’Intelligence, 1903

Charles MaurrasLes principaux livres de Maurras sont des livres de démonstration politique. Kiel et Tanger démontre l’impossibilité pour la République de mener une politique étrangère digne de ce nom, l’Enquête sur la monarchie entend démontrer que la monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée est de salut public pour la France, L’Avenir de l’Intelligence, lui, s’attache à présenter l’aliénation des intellectuels par l’argent.

On a souvent rappelé l’importance, dans la genèse du texte de Maurras, de la brochure d’Hugues Rebell, datant de 1894, L’union des trois aristocraties. Il est surtout certain que la notion d’“intellectuel” se forge dans la dernière décennie du XIXe siècle notamment à l’occasion de l’Affaire Dreyfus. Le texte de Maurras lui, paraît pour la première fois en 1902 dans la revue Minerva dirigée par René-Marc Ferry.

Précisons d’entrée que Maurras entend ici par Intelligence non la pensée en elle-même, mais bien la profession d’écrivain ou de journaliste. L’Avenir de l’Intelligence, c’est le douloureux récit de l’asservissement progressif des écrivains français par l’Or et la démocratie.

Faisant remonter son étude aux XVIe et XVIIe siècles, Maurras nous montre des écrivains qui sont avant tout des artistes et un pouvoir qui est avant tout, voyez Louis XIV, mécène et non patron, laissant aux auteurs une véritable liberté artistique.

Asservissement à l’Argent

Avec le XVIIIe siècle tout change, le moindre écrivain se pique de philosophie et loin de se faire, comme Molière, le peintre moral des travers éternels de l’homme, ou comme Racine de ses passions, il n’a de cesse de l’ériger en absolu. Il ne voit pas qu’outre celui de l’art, il creuse son propre tombeau. Devenu non plus le peintre, mais l’acteur des passions, il va devenir le jeu des factions. Prenant le pouvoir lors de la Révolution française (« Le successeur des Bourbons, c’est l’homme de lettres », écrit Maurras), l’intellectuel va, en bouleversant l’ordre traditionnel, aliéner fortement sa liberté.

Après la Révolution, les forces d’Argent, on le sait, prennent de plus en plus d’importance en France. C’est le triomphe de la bourgeoisie et de l’industrie. L’activité littéraire n’échappe pas à ce phénomène et l’une des forces de Maurras dans ce livre est de nous montrer l’apparition d’une véritable industrie littéraire. Alexandre Dumas et Émile Zola en sont les meilleurs exemples. Le lecteur devient un consommateur, crédule et demandeur de surcroît. L’écrivain, s’inscrit donc désormais et avant tout dans des rapports d’argent, tant avec ses lecteurs qu’envers de possibles commanditaires. C’est un véritable asservissement, puisque « non contentes de vaincre l’Intelligence par la masse des richesses qu’elles procréent, les Forces industrielles ont dû songer à l’employer ».

Là où tout devient encore plus grave pour l’intérêt national, c’est lorsque l’Intelligence peut être soumise à l’argent étranger, qu’il s’agisse de Bismarck empêchant le retour de la monarchie en France après 1870, des écrivains français à la solde de Moscou après 1945 ou de pseudo-géopoliticiens actuellement à la solde de l’Amérique.

Actualité de l’analyse

L’analyse de Maurras, malgré l’apparition de nouveaux médias, est toujours d’actualité. L’appel à une renaissance de l’esprit qui conclut L’Avenir de l’Intelligence également. Ce sursaut passe, selon l’expression d’Ernest Renan par « la réforme intellectuelle et morale de quelques uns ». Maurras n’est pas pessimiste mais réaliste. Il sait que le renouveau ne sera pas facile mais qu’il demeure de l’ordre du possible. Et d’appeler à un compromis nationaliste intellectuel : « Devant cet horizon sinistre, l’Intelligence nationale doit se lier à ceux qui essayent de faire quelque chose de beau avant de sombrer. Au nom de la raison et de la nature, conformément aux vieilles lois de l’univers, pour le salut de l’ordre, pour la durée et les progrès d’une civilisation menacée, toutes les espérances flottent sur le navire d’une Contre-révolution. »

Pierre Lafarge, Via le Centre Royaliste d’Action Française

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