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Qu’est ce que le Malthusianisme ?

Depuis plusieurs dizaines d’années maintenant, chaque français peut entendre régulièrement dans les médias que la croissance démographique deviendra rapidement un problème dans un avenir proche. Induisant un manque de nourriture et de place, cette surpopulation théorique serait un véritable fléau si des solutions n’étaient pas proposées et appliquées immédiatement.

En 1968, Paul Ehrlich avait même développé la thèse de la « Bombe P » (Bombe Population), facteur d’extinction de l’espèce humaine, pour sensibiliser les gens face à un probable problème de surpopulation. Face à ce problème, nombre de politiciens se sont appuyés sur les travaux d’un économiste britannique du XVIII°Siècle, Thomas Malthus (1766-1834), pour prôner une vaste politique de « décroissance » démographique, une restriction du nombre de naissances par famille. C’est cette politique que Proudhon avait déjà dénoncée en 1849 dans son livre Les Malthusiens (disponible ici)…

Malthus avait écrit en 1798 dans son livre Essai sur le Principe de Population  (disponible ici):
« Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille n’a pas les moyens de le nourrir, ou si la société n’a pas besoin de son travail, cet homme, dis-je, n’a pas le moindre droit de réclamer une portion quelconque de nourriture : il est réellement de trop sur cette terre. Au grand banquet de la nature, il n’y a pas de couverts pour lui. »

Dès la première phrase, il y a deux éléments à étudier, deux caractéristiques essentielles du Malthusianisme : « Si sa famille n’a pas les moyens de le nourrir […] » et « Si la société n’a pas besoin de son travail […] », qui mènent directement à cette conclusion horrible : Il est réellement de trop sur cette terre.

  1. Si sa famille n’a pas les moyens de le nourrir…

Le Malthusianisme essaye de résoudre, à juste titre, un vaste problème de notre société : l’inégale répartition des richesses. Cependant, le Malthusianisme prend le contre-pied de toute logique : au lieu de rechercher la sustentation de tous et la juste répartition des richesses, le Malthusianisme milite pour la décroissance des pays les plus pauvres, où les familles n’ont pas forcément de quoi nourrir leurs enfants…

Car Malthus ne condamne nullement les pays où opulence et gaspillage règnent de manière insolente : il propose juste, pour résoudre ce déséquilibre, la restriction démographique dans les pays les plus pauvres, ce que la société occidentale du XXI°siècle nomme non sans condescendance « les pays en voie de développement ».

Quelques « philosophes » s’inspirant des travaux de Malthus iront plus loin dans leurs propositions… L’américain Vogt proposera notamment « la limitation des naissances par tous les moyens, y compris par la suppression des secours et des soins médicaux aux nations prolifiques… »

Auguste Bebel, l’un des fondateurs de la social-démocratie allemande, écrivait il y a plus de cent ans que « la peur de la surpopulation et la prolifération des idées malthusiennes qu’elle engendre se manifestent toujours dans les périodes de décadence de l’ordre social. Le mécontentement général qui prend alors naissance est attribué à l’abondance d’homme et au manque de vivres, et non pas à la manière dont on les obtient et les divise. »
Car la théorie de Malthus repose un postulat essentiel : l’indépendance entre la taille de la population et le système agricole. En clair pour Malthus, qu’importe le nombre d’individus, le système agricole aura le même rendement, inférieur aux besoins de la population. Cette théorie est pourtant complètement fausse : Ester Boserup, une économiste danoise du XX°siècle, mit en évidence dès 1965 les effets positifs de la croissance démographique sur la production agricole. Mieux, elle démontra que la croissance de la population conduit les peuples à innover et donc à développer d’autres technologies.

En résumé, la croissance démographique est un moteur pour le pays : elle est source d’innovations et de découvertes. En améliorant la répartition des ressources, en combattant les spéculations boursières qui affament la planète, en soutenant le développement des pays plus pauvres par exemple, la croissance démographique ne sera plus un problème mais plutôt un moteur, un véritable tremplin pour le développement du pays.

2. Si la société n’a pas besoin de son travail…

C’est là l’un des aspects les plus dramatiques du Malthusianisme : l’homme n’a de valeur que par le travail qu’il peut fournir. Il n’y a donc, en poussant la réflexion, pas de valeur intrinsèque à la vie humaine, pas de droit inhérents à l’humanité de l’individu : ses droits dépendent de sa capacité de travail.

Il s’agit ici d’une vision purement consumériste : seule importe la capacité d’un individu à consommer, à produire ou à fournir un bien consommable. Cette vision de l’homme mène naturellement à l’élimination des « inutiles », ceux dont la capacité au travail est nulle. Jugés inutiles, ceux-ci sont donc voués « à s’en aller : ils n’ont pas de couverts au banquet de la nature », pour reprendre l’expression de Malthus.

Force est de constater que le Malthusianisme mène naturellement à l’eugénisme, à l’élimination d’individus dont la capacité au travail était insuffisante. L’eugénisme se fonde sur un postulat simple : « la société va mal parce que les classes supérieures ne se reproduisent pas assez et les classes inférieures se reproduisent trop », comme l’explique le démographe Hervé le Bras.

Plus précisément, le Malthusianisme mène à l’eugénisme dit « négatif », c’est-à-dire empêcher les classes dites « inférieures » de se reproduire. C’est cet eugénisme que Léonard Darwin, le propre fils du chercheur défendra en 1911 : « Jusqu’ici, nous avons pratiqué l’eugénisme positif, en cherchant à aider les plus adaptés à avoir des enfants. On doit considérer que nous avons échoué. Désormais, nous devons envisager l’eugénisme négatif, c’est-à-dire d’empêcher les unfits qui ont trop d’enfants d’en avoir autant ».

C’est cet eugénisme négatif qui poussera quelques scientifiques et politiciens à prôner la stérilisation des individus, la restriction du mariage, etc.… L’élimination pure et simple de l’individu mise en place par l’Allemagne quelques années plus tard n’en sera que la suite logique…

Le Malthusianisme est donc le précurseur de l’eugénisme car il crée un lien odieux entre le droit à la vie et la capacité au travail. C’est ainsi que les handicapés, physiques ou mentaux, sont en première ligne de la pensée malthusienne… Le fait qu’aujourd’hui, 96 % des foetus atteints d’une trisomie sont éliminés intra utero, prouve que dans notre société, cet eugénisme « négatif » continue à se répandre sans que personne ne s’élève contre ces crimes.

En résumé, le Malthusianisme est une politique particulièrement dangereuse qu’il faut s’efforcer de combattre. Fondé sur des postulats erronés et mensongers, cette pensée politique est inhibitrice de développement : en essayant de restreindre la natalité, le malthusianisme empêche littéralement le développement des pays, et crée de nouveaux problèmes extrêmement complexes à résoudre : retraites, vieillissement de la population, etc…

Surtout le Malthusianisme, en faisant une horrible analogie entre le droit à vivre et la capacité au travail, foule au pied tout droit à la vie, toute notion de droit naturel. Il mène ainsi naturellement à l’eugénisme le plus odieux, le plus terrible : celui des plus faibles et des plus pauvres.

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