A la découverte de Victoire de Donissan, Marquise de la Rochejaquelein
Issue d’une famille influente à la cour de Versailles, elle était fille unique de Guy Joseph de Donnissan, maréchal de camp, grand sénéchal de Guyenne, et de Marie-Françoise de Durfort de Civrac ;
elle appartenait ainsi aux familles les plus distinguées. Élevée avec le plus grand soin, elle n’avait que dix-sept ans lorsque éclatèrent les premiers orages de la Révolution française.
À la fin de 1789, elle vient avec son père et sa mère s’établir au château de Citran, dans le Médoc ;
c’est là qu’en 1791 elle épouse son cousin, Louis Marie de Lescure, jeune officier .Lescure prend la résolution d’émigrer, et, dans ce but, se rend avec sa femme à Paris dans l’été de 1792.
Renonçant au projet de quitter la France, Lescure pense que le parti le plus sage est de se retirer dans ses propriétés auprès Bressuire,dans les Deux-Sèvres,au château de Clisson
Lescure, suivi de son cousin Henri de La Rochejaquelein, qui est le premier à se mettre à la tête des paysans, Bonchamps, Charette, Elbée, Stofflet, Cathelineau se montrent à l’envi sur les champs de bataille, et la lutte acquiert des proportions gigantesques. Tant qu’elle est favorable aux Vendéens, Madame de Lescure reste éloignée de son mari, et retirée au château de la Boulaye.
Elle rejoint son époux, qui a eu le bras fracassé lors de l’attaque de Saumur ; elle l’accompagne dans ses courses périlleuses. Le château de Clisson est brûlé ; des flots de soldats républicains inondent la Vendée. Les Vendéens, écrasés sous le nombre, décident de chercher un refuge de l’autre côté de la Loire, résolution funeste, puisqu’en s’éloignant de leurs foyers, en s’aventurant dans un pays qui leur est hostile, en s’embarrassant d’une multitude de femmes et de fuyards, de non-combattants qui gênant leurs mouvements, ils ne peuvent échapper à de grands désastres.
Madame de Lescure suit cette expédition avec sa petite fille âgée d’un an, marchant à pied à côté du brancard sur lequel son mari est transporté ; elle est enceinte, et ce n’est que par une sorte de miracle qu’elle survit à de si vives secousses. Le 4 novembre, Lescure expire. Pendant les six semaines qui s’écoulèrent depuis la mort de Lescure jusqu’à la dispersion de l’armée vendéenne, sa femme eut à endurer le froid, la faim, la fatigue, la misère, les alarmes les plus cruelles ;
dévorée par la fièvre, portant un costume de paysanne, pendant plusieurs jours elle n’eut pour nourriture que quelques oignons qu’elle arrachait dans les champs ; accablée de lassitude, elle prit parfois de courts moments de sommeil sur la paille, au bruit du canon dont les boulets tombaient près d’elle. Aux derniers instants de la déroute, elle fut obligée de se séparer de sa fille, qu’elle confia à une famille de paysans près d’Ancenis
Accueillie avec hospitalité, elle passa l’hiver de 1793 à 1794 avec des cultivateurs que leur pauvreté mettait à l’abri des poursuites révolutionnaires et qui étaient habitués à une vie de fatigues et de privations. Son aspect et celui de madame de Donnissan étaient si misérables, que ces femmes, qui avaient si souvent fait l’aumône, furent plusieurs fois exposées à la recevoir. Souvent obligées de prendre la fuite, de se sauver dans les bois afin d’échapper aux perquisitions des bleus, leur vie ne fut qu’un tissu d’inquiétudes incessantes, d’alertes, de périls, de terreurs de tous les moments.
Ce fut au milieu de ces terribles épreuves que Madame de Lescure accoucha de deux petites filles ; elle passa ensuite un mois dans une chaumière inhabitée depuis plusieurs années, et dont elle avait soin de tenir la porte et les fenêtres fermées afin de ne pas attirer l’attention. Elle apprit dans cette misérable demeure la mort d’une des deux jumelles
Une amnistie fut enfin proclamée, et madame de Lescure se rendit à Nantes, où elle retrouva des personnes qui avaient éprouvé des malheurs aussi grands que les siens. Elle partit ensuite pour aller habiter le château de Citran dans le Médoc
il y eut une recrudescence de persécution contre les royalistes ; madame de Lescure, qui avait été inscrite sur la liste des émigrés, quoiqu’elle ne fût pas sortie de France, dut s’éloigner, et elle passa quelque temps en Espagne ; elle put revenir après le 18 brumaire, et elle rentra en possession de ceux de ses biens qui n’avaient pas été vendus, ainsi que de la fortune de son mari.