Société

L’embryon cobaye

Embryon cobayeDisposant de tous les pouvoirs au Parlement, la majorité a décidé de frapper un grand coup et d’en finir une bonne fois pour toutes avec ce qui restait des dispositions protectrices à l’égard de l’embryon humain dans notre système juridique. Il lui aura suffi de deux petites heures, dans la nuit du 4 au 5 décembre, pour balayer les deux années d’auditions parlementaires, consultations d’experts et débats citoyens qui avaient débouché sur le maintien de l’interdit de la recherche sur l’embryon dans la loi du 7 juillet 2011. D’un trait de plume, le Sénat a rayé cette disposition centrale de notre législation, en s’affranchissant par-dessus le marché de l’obligation légale d’organiser des états généraux avant toute réforme en matière de bioéthique. Soutenue par l’Élysée et Matignon, l’adoption en seconde lecture par l’Assemblée nationale de ce nouveau dispositif ne fait guère de doute.

Cette décision, dont l’aveuglement idéologique n’échappera à personne, constitue une rupture majeure avec les principes de notre droit. Jusqu’ici a prévalu l’article 16 du code civil, qui garantit « le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », dont la portée explique pourquoi les autorisations de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires n’ont jamais été que des dérogations, accordées au cas par cas, à l’interdit de principe. C’est parce que le respect de l’embryon in vitro a toujours été interprété comme une exigence découlant de notre ordre juridique que le législateur a intégré dès les premières lois de bioéthique, en 1994, ce principe d’interdiction et l’a reconduit lors des deux révisions de 2004 et 2011. Le passage à un régime de libéralisation pure et simple traduit donc un renversement radical de perspective où, pour la première fois, « le principe de protection de la vie de l’être humain va devenir une exception », comme le note Jean-Marie Le Méné.

Les plus récentes acquisitions de la biologie montrent pourtant sans la moindre contestation que l’embryon est le point de l’espace et du temps où un nouvel être humain débute son propre cycle vital, construisant sa propre forme, moment après moment, de manière autonome et sans aucune discontinuité. La réalité de l’être humain, tout au long de son existence, avant et après sa naissance, ne permet d’affirmer ni un changement de nature ni une gradation de la valeur morale. La conséquence immédiate du changement de paradigme opéré par la gauche est la construction artificielle d’un statut infra-humain de l’embryon. S’érigeant en tribunal révolutionnaire, elle congédie arbitrairement l’embryon de l’humanité. L’être humain à peine conçu est réduit à un vulgaire matériau d’expérimentation et à un gisement de cellules livré aux appétits financiers de certains lobbys. Pour rentabiliser leurs projets de recherche fondamentale, ceux-ci ne cachent d’ailleurs pas que l’embryon humain à l’avantage d’être un “cobaye gratuit”contrairement aux embryons animaux, très onéreux et ultraprotégés par le droit européen de la propriété intellectuelle.

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