Onze ans après la mise en place de l’euro, 62% des Français regrettent le franc
Sondage Atlantico/Ifop : en tête des mécontents, les femmes qui sont 70% à regretter le franc et les catégories socio-professionnelles les moins favorisées (à 77%), contre 41% parmi les cadres supérieurs et professions libérales.
Jérôme Fourquet : Cette enquête vise à mesurer le regret du franc. Qui dit regret du franc, dit insatisfaction vis-à-vis de l’euro, de facto. On constate que le regret du franc est toujours très élevé : 6 Français sur 10 disent le regretter. Ils étaient 39% seulement en 2002, juste après l’entrée en vigueur et en circulation de l’euro qui est intervenue en janvier 2002. Ils sont ensuite passés à 48% en juin de la même année. Donc, plus on s’éloignait de l’entrée en circulation de l’euro, plus le regret du franc progressait, pour atteindre une sorte de plafond à 61% en 2005, c’est-à-dire 3 ans après. L’insatisfaction est encore montée d’un cran en 2010 à la faveur de la crise de l’euro, à 69%, et elle est ensuite redescendue légèrement, mais on reste au plafond atteint au mois de juin 2005 : près de 6 Français sur 10 disent regretter le franc.
Le premier enseignement de ce sondage est que, contrairement à ce que les promoteurs de l’euro avaient annoncé, ce n’est pas parce que le temps s’est écoulé depuis l’entrée en circulation de l’euro que le regret du franc a disparu. Certains avaient pensé que mécaniquement, le temps faisant son œuvre, les Français s’habitueraient à cette nouvelle monnaie, et que le souvenir du franc s’estomperait petit à petit. Cela fait maintenant 10 ans, il existe donc une génération entière qui n’a pas connu le franc, et qui n’a connu que l’euro. Pour autant, le niveau de regret reste élevé, et a même considérablement progressé par rapport aux mesures faites quelques mois après l’entrée en circulation de l’euro. Donc, loin de s’estomper, le souvenir du franc et les critiques envers l’euro sont renforcés, notamment à l’occasion de la crise économique et financière, ce qui explique le pic de 2010.
Afin de comprendre pourquoi ce mécontentement vis-à-vis de l’euro s’enracine, deux dimensions importantes sont à prendre en compte. La première, c’est l’idée qui est très vite apparue et qui s’est rapidement ancrée, selon laquelle le passage à l’euro se traduit par une envolée des prix et une valse des étiquettes. Le regret du franc s’explique par le regret d’une époque, plus ou moins idéalisée, à laquelle les prix des biens de consommation courante étaient plus raisonnables. Cela explique pourquoi le regret du franc a progressé de façon rapide au fur et à mesure que les prix se sont envolés et que les tensions sur le pouvoir d’achat, qui sont un problème récurent de la vie politique et sociale française depuis longtemps maintenant, se sont installées.