Demain, tous mécontents, par François Reloujac
Situation sociale nationale, règles financières européennes ou négociations commerciales internationales, la rentrée économique du gouvernement promet d’être difficile. Mais sans une reprise en main de son indépendance politique, laquelle ne passe d’ailleurs pas nécessairement par des promesses inconsidérées, a-t-il les moyens d’influer sur cette évolution ?
Une situation sociale explosive
Le 6 août 2014, le Conseil constitutionnel a censuré la mesure phare du pacte de responsabilité qui prévoyait la diminution des cotisations sociales sur les bas salaires. Une telle décision ne peut qu’engendrer – outre une réelle circonspection vis-à-vis des mesures de remplacement – une grande frustration et une grande incompréhension de la part de ceux qui espéraient tirer avantage de cette mesure qu’on leur avait présentée comme nécessaire à la justice sociale. Elle ne peut donc qu’accroître un peu plus le malaise social. Or celui-ci n’avait pas besoin d’une telle décision pour se développer. Outre le niveau déjà très élevé du nombre des chômeurs et le gel des retraites, l’ancien ministre de l’économie avait décidé de déclarer la guerre aux professions réglementées. Que certaines règles soient absurdes et doivent être abrogées au plus vite, tout le monde en convient. Que le numerus clausus imposé à certaines professions particulièrement indispensables pour le bien commun soit une aberration, il n’y a aucun doute. Mais le moment et la forme sont mal choisis. Considérer que certains membres de professions libérales (pédicures, podologues) sont « trop » riches parce qu’en moyenne ils gagnent 1,8 fois le Smic, ou que d’autres (opticiens, huissiers…) font des profits abusifs parce que leur activité aurait une rentabilité supérieure à la moyenne, ne risque pas de favoriser l’emploi.
Accueillir des médecins et autres membres de professions paramédicales formés à l’étranger parce que l’on a imposé en France un numerus clausus qui s’avère aujourd’hui désastreux, et qu’on n’a plus la capacité de former tous les praticiens dont on a besoin, ne va pas contribuer à faire baisser le chômage des nationaux. Quant à favoriser la vente des médicaments sans ordonnance en grande surface au moment où les officines de pharmacie situées en zone rurale sont menacées de faillite, c’est indéfendable ! Toutes ces mesures, qu’elles soient économiquement justifiables ou non, ne semblent unies que par un seul lien : donner à chacun un motif de se plaindre ! Il n’en faudra pas beaucoup pour que se fédèrent tous ces déceptions.