Société

Invalides, 16 avril 2013 : quand un pique-nique se dissout dans les coups de la police

a6a2873c159096ffce6749de9cbb4af8_Manif16avrilViolences policières classiques ou nouveau saut dans les heurts relatifs au « mariage pour tous »? Le pique-nique très calme improvisé hier aux Invalides s’est terminé dans une cohue surréaliste. D’un côté, des opposants pacifiques qui sont décidés à ne rien lâcher ; de l’autre un pouvoir qui s’ingénie à effacer toute visibilité de ce mouvement de révolte inattendu. Jusqu’où ?

Après la réussite d’une nouvelle manifestation de dernière minute (environ 5 000 personnes à Paris), le collectif de la « Manif pour tous » se disperse en bon ordre au niveau des Invalides. Les aires d’accès au Parlement, devant lequel les opposants voulaient se rendre, sont fermées très en amont. L’entrée de la rue Saint-Dominique est barricadée par des camions anti-émeutes.

Les jeunes gens présents se réunissent sur la pelouse, convient des amis par SMS, et improvisent un pique-nique. En tout, quelques centaines de personnes. Beaucoup vont acheter bières et pitance dans un supermarché du quartier. Ambiance sympathique, version Champs-de-Mars l’été occupé par des dizaines de milliers de jeunes. En plus calme : pour être sûr de ne pas avoir de problème avec la police, un ou deux responsables répètent des consignes de silence largement respectées.

A côté, un garçon est quelque peu préoccupé. Un ami le rassure : « Il ne peut rien se passer. On a quand-même le droit de pique-niquer en silence ». « Tu verras », lui répond son collègue, vraisemblablement habitué des dernières manifestations. S’organise au centre du groupe une lecture de poème : Edmond Rostand, Charles Péguy et même Louis Aragon.

Le groupe ne gêne personne. Il n’y a pas d’habitation à 100 mètres à la ronde. Et pourtant, au bout d’une heure de cette sympathique réunion, la tension monte.

Ce sont d’abord des policiers en civil qui tournent autour du groupe tels des requins. Plus tôt dans la journée, à Versailles, des ripoux auraient provoqué les premiers mouvements de foule en s’attaquant à un jeune manifestant et en hurlant contre leurs propres collègues des forces publiques, avant de disparaître. Plein de sérénité, l’un des responsables prévient les quelques centaines de personnes et demande à ce qu’ils se resserrent entre eux.

Ce sont ensuite les cars de CRS qui arrivent en nombre à une centaine de mètres de là, gyrophares allumés.

Ce sont enfin des hommes déguisés en Robocop qui apparaissent soudainement au loinpuis s’approchent petit à petit.

Il est environ minuit. Les manifestants accueillent alors quatre députés qui sont sortis de l’Assemblée pour soutenir la réunion improvisée. Chacun prononce un bref discours. Les CRS n’en poursuivent pas moins leur œuvre d’encerclement. Alors qu’un député n’a pas fini de parler, un officier prononce une première sommation avec un haut-parleur. Scène surréaliste, qui indispose visiblement le responsable de la police. Le pique-nique se transforme alors en camp retranché. Les jeunes se serrent les uns contre les autres comme des pingouins, en silence, avant d’entonner un superbe chant qui a le don de calmer les CRS les plus zélés.

Virer trois cents personnes assises et dans leur bon droit n’est pas aisé. Les ordres, aussi ubuesques soient-ils, sont scrupuleusement respectés par la plupart des Robocop. Nous assistons alors à des scènes de violence policière classiques : filles traînées sur vingt mètres, coups de pieds et de poings suivis de matraquage, personnes jetées contre le rebord d’un trottoir… Une bonne partie des jeunes présents ne se laisse pas faire, s’ensuit un début de bagarre générale. Les députés sont bousculés.

Malgré la présence de plusieurs caméras, peu d’images sont disponibles sur cette cohue. C’est qu’une partie du matériel est celui… de la police, destinée à ficher par l’image les jeunes présents au pique-nique. En 2005, lors des confrontations avec les étudiants anti-CPE, la police se contentait de photographier très approximativement ceux qui jetaient des bouteilles de verre sur les forces de l’ordre. Ici, rien de tel. Vous avez dit Etat policier ?

Un corridor est formé par les CRS pour emmener les gens manu militari vers le bus d’interpellation ou le métro. Certains jeunes manquent de tomber dans les escaliers. Des policiers en civil se chargent de disperser (vers où ?) les personnes extérieures à la scène ; ces dernières sont dégoûtés que leur sympathique pique-nique se termine sous les coups des hommes de Manuel Valls. L’un des policiers – un petit trapu – sort une matraque télescopique et se rend coupable de nets abus.

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