Suite au Cercle d’Etudes (2/5) : Henri Vaugeois, l’illuste méconnu
Si le véritable artisan de la pensée royaliste d’Action Française fut Charles Maurras, Henri Vaugeois fut sans nul doute l’un de ses plus grands chantres, exaltant tour à tour les valeurs françaises et royalistes pour en démontrer l’extrême pertinence au début du XX°Siècle. Comme l’écrira d’ailleurs Maurras : « Ce que vous voyez de tout ce mouvement d’idées florissant de part et d’autre dans l’AF, ce redressement des esprits, cette réforme des doctrines, la renaissance d’un patriotisme ardemment et méthodiquement raisonné, il faut y saluer d’abord avant tout l’œuvre de Vaugeois. Il a eu des collaborateurs, des compagnons d’armes. L’initiateur ce fut lui. »
Pourtant, rien ne prédestinait cet humble professeur de philosophie à s’élever ainsi pour défendre la cause royaliste. Né en 1864 et descendant d’un révolutionnaire régicide, il commença tout naturellement la politique en s’engageant au sein de l’Union pour l’Action Morale, parti de centre-gauche réunissant quelques dizaines d’intellectuels dont Maurice Pujo.
Mais quand arrive l’affaire Dreyfus, le ralliement à la cause dreyfusarde de l’Union pour l’Action Morale provoquera le départ de Vaugeois et Pujo, ceux-ci s’en allant fonder dans la foulée le premier Comité d’Action Française le 8 avril 1898. Dans un premier temps républicain et nationaliste, le Comité d’Action Française deviendra progressivement royaliste sous l’impulsion du provençal Charles Maurras.
Vaugeois, directeur de la Revue d’Action Française depuis sa création en 1899, deviendra rapidement l’acteur incontournable de la lutte royaliste en France : premier président de la Ligue d’action Française en 1905, artisan de l’adhésion de Léon Daudet à l’AF la même année, il n’aura de cesse de combattre cette république nihiliste, démontrant dès qu’il en a l’occasion ses intrinsèques dangers. Comme il le dira : « Par tout le territoire, nous voulons créer un mouvement d’opinion qui soit assez intense pour susciter, le jour venu, des hommes de coups de main. » « Les remèdes devront être héroïques »…
Dans la lignée philosophique du mouvement monarchiste, il dénonça le criticisme de Kant et le gain de popularité de la pensée allemande en France au début du XX° siècle. À ce courant il oppose une morale chrétienne et traditionaliste.
« Qui n’a pas connu Henri Vaugeois n’a pas connu l’apôtre politique en fusion. Il n’avait qu’un objet : le retour du roi, que deux passions : le duc d’Orléans et Maurras. » Léon Daudet.
Sa perte fut terrible pour le Mouvement d’Action Française, comme le témoignera Maurras dans son hommage du 12 Avril 1916 :
La nuit de lundi à mardi aura été terrible pour l’Action française. Elle nous a décapités. Notre directeur politique, notre fondateur Henri Vaugeois nous est enlevé, d’une embolie au cœur.
Il faudrait ici l’impossible. Il faudrait parler de la mort comme si elle n’était pas. Il faudrait que l’accablement de la douleur laissât intactes les libertés et les forces de l’admiration.
Jamais homme par la spontanéité de la vibration, l’éclat instantané de la pensée et du langage, ne nous est apparu plus affranchi des conditions habituelles de l’homme, plus identique à l’esprit pur. Cependant, lui aussi, sans avoir pu mourir à la guerre, comme il l’eût voulu, c’est à cette guerre, à son coup matériel, qu’il succombe.