Quatre mythes sur les croisades
Dans l’entretien actuel d’une certaine méfiance à l’égard de l’histoire de l’Europe et de l’Eglise catholique, les croisades constituent une partie importante. Mythologisées et manopilées, elles n’ont pas été tout à fait ce qu’on veut en faire aujourd’hui… Nos amis de Benoit-et-moi nous gratifient d’une traduction de haute volée d’un article de Paul Crawford, spécialiste de l’histoire des Croisades, paru au printemps 2011 dans la Intercollegiate Review. Texte en anglais ici: http://www.firstprinciplesjournal.com/ (grâce au site ami Totus Tuus).
Mythe n° 1:
Les croisades représentaient une attaque non provoquée de la part des chrétiens d’Occident sur le monde musulman.
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Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité, et un examen chronologique même superficiel suffit à le rendre évident. En 632, l’Egypte, la Palestine, la Syrie, l’Asie Mineure, l’Afrique du Nord, l’Espagne, la France, l’Italie et les îles de Sicile, Sardaigne et Corse étaient tous des territoires chrétiens. A l’intérieur des frontières de l’Empire romain, qui était encore entièrement fonctionnel en Méditerranée orientale, le christianisme orthodoxe était la religion officielle et largement majoritaire. En dehors de ces limites, il y avait d’autres grandes communautés chrétiennes, pas nécessairement orthodoxes et catholiques, mais encore chrétiennes. La plus grande partie de la population chrétienne de Perse, par exemple, était des Nestorien. Il y avait certainement de nombreuses communautés chrétiennes en Arabie.
En 732, un siècle plus tard, les chrétiens avaient perdu l’Egypte, la Palestine, la Syrie, l’Afrique du Nord, l’Espagne, la plus grande partie de l’Asie Mineure, et le sud de la France. L’Italie et ses îles associées étaient menacée, et les îles devaient tomber sous la domination musulmane au siècle suivant. Les communautés chrétiennes d’Arabie furent entièrement détruites en 633 ou peu après, alors que les Juifs et les chrétiens étaient expulsés de la péninsule (6). Celles de Perse étaient sous forte pression. Les deux tiers de l’ancien monde romain chrétien étaient maintenant gouvernés par les musulmans.
Qu’était-il arrivé? La plupart des gens connaissent la réponse, si on les presse – même si, pour une raison ou une autre, ils ne relient en général pas la réponse aux croisades. La réponse est la montée de l’Islam. Chacune des régions citées a été prise, en l’espace d’une centaine d’années, au contrôle chrétien par la violence, dans le cadre de campagnes militaires délibérément conçues pour étendre le territoire musulman au détriment des voisins de l’Islam. Cela ne mit pas non plus un terme au programme de conquête de l’Islam. Les attaques se sont poursuivies, ponctuées de temps à autre par des tentatives chrétiennes pour les faire reculer. Charlemagne bloqua l’avance musulmane dans l’extrême ouest de l’Europe vers l’an 800, mais les forces islamiques déplacèrent simplement leur objectif et commencèrent à aller d’île en île de l’Afrique du Nord vers l’Italie et la côte française, attaquant le continent italien vers 837. Une lutte confuse pour le contrôle du sud et du centre de l’Italie a continué durant le reste du IXe siècle et au cours du Xe. Au cours des cent années entre 850 et 950, les moines bénédictins furent chassés des anciens monastères, les États pontificaux ont été envahis et des bases musulmanes pirates ont été établies le long de la côte du nord de l’Italie et du sud de la France, à partir desquelles des attaques étaient lancées vers l’arrière-pays. Prêts à tout pour protéger les chrétiens victimes, les papes se sont impliqués, au cours du dixième siècle et au début du onzième, dans la défense du territoire autour d’eux.
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